le coma des mortels #micky

i. please introduce yourself.
impersonnel. perturbant. il cherche à attraper ton regard, tout le temps, et quand il l'a, il le lâche plus. collant, souriant ; ses fossettes là, qui creusent ses joues. ses beaux yeux bleus - tu le connais, ce regard ? c'est celui du souriceau, du malicieux, du mesquin, de l'espiègle. c'est celui qui te fait sourire et en même temps te fait peur. tu sais pas si tu peux lui faire confiance ? lui non plus, il sait pas s'il peut se faire confiance. il est sympa, pourtant, ouvert, il a l'air sincère. tu vas pouvoir discuter avec lui, c'est certain, et il a de la conversation. il fait un peu ce qui lui chante, c'est un électron libre, alors il a plein de trucs à raconter. il peut t'écouter aussi. mais il a l'air ailleurs. parfois il phase, il t'observe longuement, sans rien dire, comme si t'étais un bijou. il te fait te sentir comme un bijou, et c'est horrible parce que tu y crois. mais il est ailleurs. est-ce qu'il est sincère ? est-ce qu'il va pas te la faire à l'envers ? toujours l'impression de marcher sur le fil du rasoir avec lui. il est pas très expansif comme garçon. pas très taciturne non plus. surprenant ? peut-être bien. tu vas bien t'amuser avec lui. il est subtil, un peu nébuleux. y a quelque chose de tendre et de coloré chez lui. sa belle gueule, il la connaît, il la mate tous les matins dans le miroir ; mais si tu lui rappelles, ça va le faire rougir. il est pas timide, il part juste d'un principe simple que pas tout le monde peut le voir en peinture. alors quand quelqu'un aime le voir en vrai, ça lui fait plaisir. mais est-ce que ça aussi c'est sincère ? ce joli minois, là, joli sourire, jolis cœurs, c'est sérieux ?
en tout cas, lui il t'aime bien.
mais il aime bien tout le monde, alors est-ce que ça compte ?

micky est pas exceptionnel. c'est un mec simple, sans avis, sans saveur presque. c'est à l'intérieur qu'il est incroyable. c'est dans ce qu'il a vécu, dans ce que son corps et sa tête son capable de faire. mais lui, dans l'ensemble, il est fade.

ii. mean streets of silver grove.
c'est une bonne planque, cette ville. si tu lui demandes, il te dira avec un sourire que c'est un vadrouilleur. c'est un peu le cas, il est arrivé en stop avec un sac plein de fringues pas propres et des baskets pas terrible y a de ça quelques mois, peut-être six, peut-être huit, on sait pas trop. son appart, tu sais même pas comment il l'a trouvé. apparemment, il avait une connaissance dans la ville, et ça faisait un moment qu'il lorgnait dessus. à portland, y avait rien pour lui. on veut pas d'une souris là-bas, y que des rats, des chats errants ou des meutes de clébards. lui il est du genre tranquille, sans prise de tête. puis, apparemment à silver grove, y a des gens un peu louches comme lui. il aime bien ça, les gens louches. ça lui fait se sentir moins seul. plus d'examens ni de planification de mutilation, ici. il a fuit quelque chose, à portland, et il y retournera plus jamais.

iii. we're all mad here.
c'est une malformation génétique. les médecins ont toujours trouvé ça absolument incroyable, et s'étonnent de le voir en aussi bonne santé à cause de ça. mais micky, il vit avec depuis toujours. à 4 ans on lui a dit qu'il allait pas passer les 10, et à 12 qu'il irait pas au-delà de 18. Résultats, à bientôt 26, il s'en sort plutôt bien. dans sa poitrine, y a deux cœurs qui battent en duo. qui font un travail de malade. tellement plus d'adrénaline, de sensations dans les émotions. forcément, ça fait de lui un hypersensible à en crever, et un impulsif maladif, tant et si bien qu'il doit rester tout calme pour pas kaner d'hypertension. mais il est malin. déjà, parce qu'il prend des calmants. ensuite, parce qu'il sait pourquoi il a deux cœurs. il sait à quoi ça lui sert - c'est quelque chose que les médecins ne comprendraient pas. et sa pauvre mère non plus.
il se plaît à dire qu'il aime deux fois plus. qu'il a deux gros cœurs. qu'il y en a un à donner, et un autre à partager.

iv. something strange in the woods.
deux lui.
un beau jour, comme ça, paf. comme un siamois. dans chaque lui, un cœur : l'un d'eux sort de sa poitrine pour naître de sa propre chair, ses propres os. la douleur est intenable. au début, ce n'était qu'une infime partie de lui, notamment un autre torse, et un visage. une abomination, un monstre. puis, petit à petit, il est sorti. la douleur s'est accentuée, comme si on déchirait sa peau. d'une violence inouïe, d'une difficulté sans nom, à se voir comme ça doté d'une excroissance monstrueuse. un deuxième mickael, qui s'émancipe au fur et à mesure. horreur que de se regarder dans le miroir et de voir ce visage sortir de son pectoral, cette tête se former, ce torse se détacher du sien, comme si on déchirait sa peau.
aucun contrôle possible sur la volonté qu'a ce deuxième être de se manifester. pas encore, du moins, même s'il sent, même s'il perçoit, petit à petit, ce qui déclenche cette horreur. lorsqu'il est de sortie, ils sont capables de se parler. se regarder. habiter le même corps, les mêmes organes. comme un androgyne de platon. comme un frère siamois. quand il est là, il n'a pas d'autre choix que de faire sa vie avec, que d'avoir ce... deuxième lui parasite rattaché à son torse, qui lui a volé un cœur. quand il est de sortie, il se sent vide. vide, et mal à l'aise. il a envie de vomir, de prendre une tronçonneuse, et de le trancher. puis de lui reprendre son cœur.
ou alors de l'arracher. le faire sortir une bonne fois pour toutes, accoucher de lui, définitivement, qu'il s'en aille de son corps. qu'il arrête de grandir comme un champignon. d'abord juste un visage et un torse, puis une épaule, un bras inutilisable, puis un membre préhensile. qu'il sorte, qu'il s'en aille. ou qu'il rentre à jamais.

est-ce qu'il contrôle ce qu'il dit ? qui contrôle qui ? qui est l'hôte duquel ? quand l'autre se résorbe, est-ce que ce n'est pas l'un qui s'est fait aspiré ? et ils échangent constamment, partagent le même cerveau, la même mémoire, les mêmes souvenirs ? est-ce que l'un est plus diabolique que l'autre ? L'autre plus sage et tempéré, plus amoureux, romantique, poète ?
qui sait.
dieu seul sait ?