déserteur ☀ micky

déserteur ☽ le regard se paume, s'attarde sur la fenêtre alors que l'air plus froid vient caresser sa joue, du bout des lèvres y'a la fumée qui s'écorche, se décroche en quelques ronds maladroits. inspiration profonde, profondément calé dans le canapé, les jambes croisées donnant l'image d'un bouddha à la fois paisible et déconcerté. la gratte posée à ses pieds, il a la pensée ailleurs, arthur, le silence en maîtresse qui vient prendre possession de ses cordes vocales, seules les oreilles tendues ont une mélodie imposée - deux coeurs qui battent en des rythmes irréguliers, deux tambours mal orchestrés qui à défaut d'aider une galère font frapper ceux de la guerre. paupières closes, les bières posées sur la table basse continuent de lui faire de l'oeil - la deuxième déjà enfilée, le pack est loin d'être encore bouclée. pas loin y'a micky d'autant plus ramassé qui paie pas plus de mine - et y'a rien de meilleur dans l'instant que de profiter bêtement d'un quotidien chiant, d'un train-train sans bavures, sans un déraillement qu'aurait de quoi mettre sous terre une mère de famille et ses dix mômes braillards. sa main libre passe dans sa longue tignasse qu'il accroche finalement en un chignon à mi-fait mi-défait, jamais dans un côté plus que dans un autre, comme s'il était pas capable arthur de jamais faire un choix. il renifle un peu, secoue la tête en essayant de dégager le tintement répétitif qui revient le hanter, de quoi lui filer la gerbe quand il est bien trop fort pour complètement l'éviter.

- je m'demandais.

il se penche, arthur pour venir tapoter sur le rebord du cendrier en forme de crâne à moitié fendu - il se marre un peu en le regardant droit dans les orbites noires, puis redresse sa tête à l'attention de micky. haussement de sourcils, soupçon d'un sourire qui s'imprime à la commissure de ses lèvres.

- t'étais quoi, avant silver grove ?
- parce que maint'nant que j'y pense, on en a jamais vraiment parlé. j'sais juste que t'es pas d'ici.
- j'sais pas c'que t'étais, avant.
- même si en soi tu m'dois rien.

pas un biffeton, pas une accolade, pas une confession sur l'oreiller, pas même un retour sur image pour tout rembobiner.

- j'suis p'tête face à un gangster en cavale.

ses lèvres ouvertes sont comme un volcan en fusion, crachent de la fumée épaisse et blanche avec une lenteur qui va si bien à la scène. tête en arrière, pomme d'adam en avant, et crache, crache. repose dans le cendrier, prend une inspiration. les lueurs du jour commencent à pointer le bout de leur nez par la fenêtre : premiers, tout premiers rayons, là-bas, au loin. ils sont en train de leur dire bonjour, bientôt viendront leur demander ce qu'ils font encore éveillés. ironiquement, micky a finit plus tôt aujourd'hui. quelle bonne idée. entendre les doigts de son voisin gratter les cordes de sa guitare. il observe celui-ci avec attention, avec détail. se dit, en se perdant dans sa chevelure noire, que c'est pas très cathartique les clubs. voir des gens défoncés toute la nuit ne l'empêche pas de se rouler un joint une fois arrivé chez lui.

posé dans le canapé beaucoup trop mou pour ce qu'il est supposé être, micky hausse les sourcils à la question. il récupère le joint dans le cendrier - affectueusement surnommé oscar par ses soins - et le coince entre ses lèvres.
elle est bizarre ta question, frérot.
les mots mâchés par le papier et le tabac. un peu d'efforts, se redresse pour aller récupérer le briquet de son camarade sur son côté de la table. "frérot", parce que c'est comme ça qu'on appelle les potes. et les potes, ça constitue la famille. dans vingt ans, quand arthur sera une superstar et micky un camé au fond du caniveau, ils vont quand même se check et micky va quand même l'appeler frérot. ça s'oublie pas, ces choses là.

la flamme jaillit de la pierre, embrase le bout du bout de ses lèvres.

j'veux dire. il tire, prend la denrée dans ses doigts. avant quand ? j'ai été et suis encore plein de trucs. les yeux sont mis-clos malgré lui. entre l'alcool, la fatigue et la fume, rien ne vient arranger son cas. mais pour rien au monde il ne mettrait fin à ça. je peux pas me définir juste par une chose, même large. il rit à retardement. gangster en cavale toi-même. son sourire s'étend sur son visage tandis qu'il lui tend l'herbe roulée en train de brûler. j'sais pas... t'étais quoi toi, avant silver grove ? c'est compliqué comme question, tu vois.

s'il le prend en exemple, il le sait mauvais. arthur, bien qu'ils n'aient que très peu parlé respectivement d'eux-mêmes, a ce genre de profil dont on devine tout de suite d'où il vient, pourquoi. une vie en rapport avec la musique, le voyage, la famille et les amis, ce genre de choses quoi. micky se sait plus compliqué à lire - avec toute la prétention du monde. déjà pour ce qu'il renferme dans son antre thoracique. puis pour toutes les choses absurdes, improbables et terribles qui sont arrivées. le chemin de la vie n'est pas marqué sur sa gueule - mais, à l'âge d'arthur, il sait qu'il prendra tarif.

un nouveau souvenir.

vas-y, essaye de deviner. et après j'devine pour toi.

petit jeu quand les mots viennent mourir dans une bière à peine entamée.