sadie ♕ quand la pénombre s'abat sur toi.

☽ vanités

i. please introduce yourself.
Maman prostituée, à la recherche d'un homme confiant, d'un homme qui saurait la satisfaire et non pas présent pour unique but de la manipuler, de l'utiliser tel un objet. Papa que tu n'as connu qu'une fois maman enfermée, qu'une fois maman perdant ta garde. Tu as dû quitter la Suède le soir-même. Tu ignorais où tu allais, tu ignorais totalement d'où tu venais. Et c'est comme ça que t'en as pris conscience. T'étais née dans cette ville, Silver Grove et tu ne savais pas pour quelles raisons maman te l'avait toujours caché. Il te fallut des années avant de comprendre, de savoir que ça n'était que dans la mesure où elle refusait que tu connaisses son passé, découvres qui était ton père. Elle te répétait qu'il était décédé bien tôt, elle disait constamment que tu lui ressemblais parfois. Et elle faisait en sorte que tu l'imagines intelligent, souciant et aimant. Elle tentait de te faire imaginer qu'il était comme elle : un riche héritier bien dans ses pompes, provenant d'un milieu aisé et qui ne les aurait jamais délaissé, coûte que coûte. Elle disait qu'à ses yeux, tu étais trop importante pour lui. Tant de mensonges à oublier, à mettre de côté une fois débarquée chez ton père. Il était bel et bien là, en vie et sali par la crasse, par les poussières se situant sur son lieu de travail, l'usine. Il ne correspondait aucunement à ce qu'elle t'avait fait croire, ta mère. Tu avais neuf ans quand maman a commencé à perdre la tête, ne cessant pas de prendre des médicaments et de réciter des phrases dans une langue que tu ne comprenais pas.

Tu en avais à peine dix lorsque tout ce qu'elle cachait fut dévoiler. Tu en as voulu au reste du monde, tu avais énormément de mal à suivre les dires de papa, à l'écouter parler, à vouloir maîtriser tes faits et gestes. De plus, famille croyante comme jamais, tous t'agaçaient. Tu ne voulais pas les voir, tu ne voulais plus avoir à te réveiller. Tu broyais du noir. Malgré la présence du fils Monroe qui semblait t'apprécier, tu refusais de parler. Pendant quelques mois, tu ne te faisais comprendre qu'en hochant la tête ou selon ta façon de regarder. Tu n'acceptais pas de laisser entendre ta voix, refusant d'exprimer le fond de tes pensées, l'aide qu'on te proposait. Puis finalement, t'as fini par constater que Joseph, il ne lui ressemblait en rien à votre père. Du moins, dans sa manière de se comporter avec toi. Et c'est comme ça que tu t'es sentie à ta place, ici, dans cet endroit qui, de base, ne te plaisait pas. La Suède n'a pas cessé de te manquer, te manque d'ailleurs toujours. Mais depuis ce 28 Janvier, depuis tes dix-huit années soufflées, t'as ce sentiment de changement qui cause en toi un désir inimaginable. T'as repris les cours au lycée il y a de ça un an et demi, maintenant. Des propos insultants, il y en a eu en grand nombre puisque tu as deux ans de retard sur les autres. Peu importe. Ton frère est là, particulièrement pour t'aider pour les maths, ce, chaque jour de semaine, dès 18h15 et tu ne t'en lasses pas. D'ailleurs, en parlant de lui, il s'avère qu'il est très mal vu, raisons pour lesquelles lorsque tu prononces ton nom de famille, les regards semblent changer, se transformant en une once de mépris. Et tu t'en moques d'eux, tu sais qu'ils sont ignorants, et ne valent rien à tes yeux.

ii. mean streets of silver grove.
Née à Silver Grove, aussitôt partie en Suède aux côtés de ta mère prostituée qui avait tout simplement merdé en s'imaginant que ce gars n'était pas comme les autres. Retour dès tes dix ans, en 1984. T'as eu grandement de mal à accepter la vérité. Ta mère te cachait de nombreuses choses en insufflant des mensonges dont le fait que ton père était décédé alors qu'il vivait dans cette ville ainsi que son emploi comme quoi il était riche héritier, provenait d'un milieu aisé donc alors qu'absolument pas. Beaucoup trop de choses arrivant d'un coup, à supporter. Alors t'as galéré à accepter cette ville et ceux qui y vivaient. Et l'inverse était également remarquable. En effet, mis à part Jo qui avait un œil sur toi dès le début, peu de monde avait l'air de t'apprécier, ne serait-ce, désirait de vouloir faire ta connaissance en dehors de ces garçons aux mauvaises pensées, de ces garçons un peu trop réputés pour cogner tout ce qu'ils voyaient - comme ton frère, limite - et ça ne t'importunait pas plus que ça. Au contraire, c'est lors de ces instants que t'as appris à ne plus te voiler la face, à débuter ce qu'on pourrait nommer, une nouvelle vie.

iii. we're all mad here.
(Obsession pour la fumée, les cigarettes et ce qui peut prendre feu. Dessine depuis son enfance des dragons.) Elle a pour habitude de traîner auprès des plus gros fumeurs et dans les lieux mal fréquentés. Et ce n'est pas pour rien. En effet, elle est fascinée par le feu à un tel point qu'il y a eu cette soirée où l'envie de faire cramer l'ensemble des objets qu'elle avait en sa possession, ceux qu'elle avait gardé, lui rappelant beaucoup trop sa mère, s'était manifestée. Sans réflexion, perdant presque la notion de la réalité et du danger, Sadie a presque failli mettre en péril plusieurs arbres de la forêt.

iv. something strange in the woods.
(Pyrokinésie) Sadie, fascinée jour après jour, obsédée par les flammes, restant figée face à la cheminée et adorant voir la fumée émanant du four, émanant des cigarettes des drogués. Sadie, stagiaire chez un fleuriste ayant accepté de la prendre sous son aile depuis quelques jours, déjà. Elle paraît douce, la gosse. Elle semble adorable, la gamine. Mais elle est méconnaissable dès que sa rage prend part d'elle. Cela fera deux jours que le joli bouquet de fleurs apprêté pour un couple prêt à se marier, lui rappelant beaucoup trop ce que sa mère lui répétait, ce mensonge qu'elle avait fini par croire, s'est vu enflammer. Elle-même est dans l'incompréhension depuis ce qu'elle a réalisé cette fois-là. Elle ignore totalement qu'elle a en réalité la capacité de manipuler, de créer le feu par sa propre pensée, sa propre volonté ou par manque de maîtrise de soi.

☽ page blanche
« Sadie, ma petite Sadie. Je suis désolée d’avoir attendu tant d’années avant de t’avouer la vérité. Papa est mort il y a de ça quelques mois. Il ne venait jamais avec nous parce qu’il était militaire. Il refusait de s’exposer, blessé comme il était, face à toi. Il savait que c’était peine perdue. Qu’un jour, son emploi l’emporterait. Mais il voulait par-dessus tout que tu saches à quel point il t’aimait. Tu sais, tu lui ressembles. Même si tu ne souris pas parfois, tu gardes ta beauté naturelle. Puis ton regard, rien qu’en le croisant, on a la capacité de savoir à quel point tu songes à un autre monde. Tu lui ressembles véritablement. J’espère que tu ne m’en veux pas ma puce de t’avoir caché tout ça jusqu’à aujourd’hui. » voilà ce que j’ai entendu lorsque je fêtais mes six ans, en Suède.

« Sadie, ta maman ne reviendra pas. Ni aujourd’hui, ni demain. Pas même dans une semaine ni un mois. Tu vas devoir quitter ce pays et partir direction Silver Grove afin de retrouver ton papa. Il t’attendra sûrement à bras ouverts. En tout cas, c’est chez lui que tu résideras. Ne t’inquiète pas. Je sais que c’est difficile mais tu verras, dans quelques années, tu comprendras que c’était mieux ainsi. » neuvième anniversaire passé quand j’ai entendu cette amie de ma mère m’avouait que je ne reverrais plus ma mère.

« Bonjour… Comment tu t’appelles, déjà ? Samantha… Non, Sadie ? Putain. À peine tu débarques et ça m’gonfle déjà. Sadie. Sérieusement quelle idée j’ai eu d’me faire reconnaître et d’accepter ça. C’pas comme si j’en avais déjà assez des deux autres gosses qu’j’ai. Vraiment, fais chier. » paroles du père que je pensais mort, riche hérité et certainement pas ouvrier dans une usine et suffisamment agaçant pour que je ne veuille plus lui adresser la parole. J’avais dix ans quand j’débarquais dans cet endroit.

« Eh, toi là. Ouais, toi. La p’tite rouquine. T’qui ? Tu viens d’où ? Sérieux, t’as deux ans d’plus qu’nous. Tu fous quoi ici ? T’devrais pas être dans une classe supérieure ? T’es si conne qu’ça ? T’es nulle à c’point-là ? Putain. Bah ça promet, hein. » « Eh. T’assoies pas là. J’veux pas d’une abrutie à mes côtés. Qu’est-ce que t’as cru, toi ? D’jà qu’on s’connait pas et qu’j’ai aucune envie d’savoir qui tu es. Sérieux, reste bien éloignée d’moi. » paroles que les premiers camarades de classe m’ont dit.

« Qu’est-ce que ce comportement, Sadie ? Tu refuses vraiment d’effectuer la prière avant de manger ? Mais tu es impossible ! Vraiment impossible ! Mon dieu, accorde-lui ton pardon. Après tout, ce n’est qu’une pauvre gamine ayant vécu avec une mère indigne durant son enfance… » disait l’une de mes dites tantes, bien trop adoratrice et pratiquante pour que je puisse l’apprécier un jour.

« T’as vu comment t’es habillée ? Sadie, putain ! TU ES AVEUGLE OU QUOI ?! J’refuse que tu sortes comme ça. Puis ton visage… Ce maquillage que tu portes, aussi. Enlève-moi ça tout d’suite ou j’serai obligé d’te l’faire comprendre autrement qu’c’est pas une façon d’Être, ça. Encore moins quand on va à l’école. Tu veux ressembler à ta mère ou quoi ? J’ai foutu quoi pour avoir ça comme gamine. » répétait sans cesse mon père. Heureusement que Jo parvenait à me faire parler, à m’aider n’serait-ce qu’pour mes devoirs le soir, sinon, j’sais pas c’que j’serai devenue à force d’m’en prendre plein la gueule.

« Et si j’te dis que ce que j’ai rédigé l’autre jour était sincère ? Et si j’t’avouais en face qu’c’est la vérité qu’tout simplement, j’tiens à toi, qu’finalement j’me suis aperçue qu’au fil du temps, j’t’aimais. Et si t’acceptais qu’notre amitié fasse place à autre chose, d’plus compliquée à maîtriser, d’plus intéressant à mes yeux ? D’plus convoitée ? Sadie, j’déconne pas. Plus j’te connais, plus j’me dis qu’t’es celle qu’mon cœur désire. Qu’mon corps veut sans arrêt. J’ne cesse d’penser à toi. J’ne peux plus garder ça pour moi. S’tu veux, on peut cacher tout ça. On en parlera à personne, on l’gardera pour nous. Parc’qu’j’sais qu’c’est compliqué d’se dévoiler, qu’les regards s’raient insupportables si ça s’apprenait qu’on est ensemble. Qu’on est bien plus que deux filles qui s’apprécient telles des meilleures amis, ouais, qu’on est bien plus qu’ça. J’t’aime Sadie. » c’comme ça qu’l’amour s’est emparé de moi. Putain, c’fou c’que j’l’aime également. Pourtant, j’m’y attendais pas. Des gars, j’en ai eu une tonne durant la scolarité, j’imaginais qu’j’étais hétéro, qu’rien d’anormal s’poserait sur moi. Et m’voilà ensorcelée par cette fille avec qui j’suis désormais en couple.

« Oh non. Sadie qu’est-ce que tu as fait ! Le bouquet était pour le couple, tu sais, celui qui est venu nous demander de le réaliser pour leur mariage dans moins d’une semaine. On l’avait totalement finalisé. Je ne comprends pas comment tu as pu faire ça, Sadie ! Lâche-moi ces fleurs et repars chez toi afin de te reposer. Je te recontacterai plus tard. » m’a balancé celle qui m’a accepté dans sa boutique il y a peu de temps. J’sais vraiment pas c’qui m’est arrivé et ça m’fait qu’m’intriguer, tout ça.

« Sadie, elle veut toujours être mise en avant. Elle veut toujours suivre son instinct, se contrefout de ce qu’on a beau dire à propos d’ses proches ou d’elle-même. Elle s’en contrefout des convictions des uns et des autres. Tout ce qu’elle désire c’est pouvoir atteindre ses objectifs – qui change constamment – c’pas pour rien qu’on n’cesse pas d’lui dire qu’elle ferait mieux de se taire parfois plutôt qu’nous dire le fond d’ses pensées. Elle devient impulsive, d’temps à autre, surtout quand quelque chose est prévu et qu’au final, c’est long à arriver. Elle a du mal à s’y faire à cette ville, et aux autres. Paraît même qu’elle est fanatique des dragons et qu’elle s’en est fait tatouer un sur les phalanges. » dites une fois que je suis suffisamment loin d’eux, j’imagine.