Crazy Diamond (danny)

☽ vanités

i. please introduce yourself.
Danny est l'ultime vestige persistant d'une génération paumée qui a tellement cru, tellement espéré avant d'être ramenée de force sur Terre. Danny a eu des tas de parents, des tas d'éducateurs, des tas d'exemples mais aucun vraiment normal ou classique. Gamin d'un couple de hippies qui avait fait du Monde leur patrie, ils ont écumé de nombreuses communautés de rêveurs, de doux dingues, d'utopistes, parfois de fous furieux dangereux cachés sous le voile coloré de la culture indienne; allant ici ou là, emportés par une quête quasi biblique et vouée de facto à l'échec car l'humain reste un être excessivement faillible. Ils ont cherché et cherchent encore l'enclave de paix et de sérénité dans ce monde malade auquel ils se sentent terriblement étrangers. L'endroit qui leur fera dire qu'ils sont enfin chez eux n'a pas encore été créé.
Danny n'a jamais fréquenté d'écoles à proprement parler mais il a fait partie de tant de groupes de discussion, de méditation, il a participé à tellement d'atelier collectif qu'il est rempli de savoir et de connaissance particulièrement inutile dans une grande ville moderne. Jardinage, botanique, premiers soins, politique, philosophie, cuisine, survivalisme, méditation, théâtre, danse, il a un avis sur tout...quand il n'est pas complètement raide ou perché tellement haut qu'il ne voit plus ses pieds. Au fond, malgré une vie dissolue au possible, Danny reste un mec bien qui accepte l'autre en dépit des défauts et des vices, qui cherchera toujours à voir du positif en toute chose. Ayant grandi et été élevé par des personnes qui n'avaient pas à cacher leurs sentiments ou leurs émotions, il est resté quelqu'un d'extrêmement tactile et spontané, franc et honnête jusqu'au bout des ongles, toujours sincère quitte à froisser les egos. Dans les communautés qu'il a fréquenté, les amours et les désirs n'avaient pas à être muselés par une quelconque religion répressive. Danny aime tout le monde sans aucune préférence ni réserve. Il partage son corps autant avec les hommes que les femmes et ne souffre d'aucun tabou. On lui a martelé depuis l'enfance qu'il était libre. Libre de penser, libre d'aimer, que rien ne devait l'entraver.  
Il y a deux ans, Danny est parti vivre son propre chemin sans accompagner ou être accompagné de ses parents. Il a rallié pendant un temps d'anciens adeptes de Baghwan qui essayaient de trouver un nouvel élan au mouvement fraîchement décapité et traîné dans la boue. Spirituellement, ça lui correspondait, il y trouva rapidement une place. Jusqu'à ce que sa conscience le pousse à dénoncer les agissements du gourou en place. La veille de sa trahison, Danny parla longuement avec un jeune couple auquel il s'était attaché. Eux aussi étaient mal à l'aise avec ces (trop) jeunes adolescents que le gourou convoquait et qui revenaient hagards. C'est alors que le nom de David Koresh et celui des Davidiens fit son apparition dans la conversation. La communauté de Waco était plus stable, plus saine que toutes les autres et leur leader était presque un saint...Danny se laissa tenter, suivant le duo. Mais dès ses premiers pas à Waco, il a flairé quelque chose de louche et de malfaisant, quelque chose de profondément dangereux qui déclencha la réapparition d'une série de tics chez lui. Danny restera à Waco deux mois, échappant il ne sait comment au lavage de cerveau et à la soumission, avant de trouver l'une des très rares occasions de mettre les bouts. Il n'a jamais eu aussi peur de sa vie. C'était trop guerrier, trop répressif, tellement psychofrigide. Lui qui venait de communautés où on laissait les hommes et les femmes croitre et d'épanouir librement, ici tout était relié à Koresh, tout venait de lui, passait par lui et était fait pour lui. Danny eut vite l'impression d'être entouré d'automates flippants aux sourires artificiels. Et il y avait toutes ces rumeurs sur des armes cachées, des ateliers secrets où on apprenait à faire des explosifs.
Il a fui en sachant que Koresh était le genre de mec à lui envoyer ses robots au cul et à le rapatrier fissa quitte à lui péter les rotules. Il a fui seul, la boule au ventre, le coeur au bord des lèvres et des remords plein le crâne, en abandonnant derrière lui des innocents entre les griffes d'un homme potentiellement dangereux.

ii. mean streets of silver grove.
Danny a vécu dans sa voiture et des motels pendant quelques semaines avant que la route ne mette Silver Cove sur son trajet. Etrangement, le nom ne lui est pas inconnu mais impossible de savoir dans quelles circonstances il l'a entendu. Etait-ce l'endroit où est né son père? A moins que ça ne soit celui de sa mère? De ses grands-parents peut-être? Humpf, peu importe. Le simple fait d'y reconnaître une sonorité familière est un "signe" à ne pas négliger. Danny s'est installé dans un premier temps dans un squat avant de passer au motel puis, il y a deux mois, d'investir définitivement un logement plus ou moins miteux lui convenant parfaitement. Son sixième sens de marginal l'a amené jusqu'à l'Ace of Spade où il a déniché une faune peu fréquentable mais toute disposée à acheter sa production. Car depuis qu'il a 10 ans, Danny s'est toujours retrouvé dans les serres. Que ça soit des tomates, du pavot, du cannabis ou des champignons hallucinogènes, il a la main vert foncé. Il s'est vite taillé une réputation excellente bien qu'on mette toujours en garde les futurs acheteurs du comportement étrange de Danny, de son allure excentrique et de ses discours loufoques.
Ce qui n'aurait dû être qu'une étape est devenu un vrai point de chute. Danny n'a pas bougé depuis 10 mois de Silver Cove. Et puis, l'endroit bizarre est devenu encore plus bizarre depuis quelques temps. Et ça, ça joue comme un aimant sur Danny.

iii. we're all mad here.
Tout petit déjà, la main droite de Danny était agitée de sursauts et de tremblements qu'il ne contrôlait pas. Parfois, il s'agissait de ses doigts qui remuaient seuls mais ça pouvait aller jusqu'au geste brusque, ample et désordonné, mobilisant tout son bras. Il n'a consulté aucun médecin ou spécialiste pour mettre un nom là-dessus, apprenant à s'accommoder de ce handicap. Gamin, il s'imaginait qu'une entité s'y développait ou qu'il avait eu peut-être un jumeau qu'il avait bouffé dans le ventre de sa mère. Méditer l'a aidé à plus ou moins atténuer ce syndrome qui n'apparaissait que lorsqu'il était anxieux et angoissé. Il a vite interprété ces agitations comme des prémonitions à quelque chose qui allait tourner en eau de boudin.
Les gens qu'il a cotoyé jusqu'à maintenant n'ont jamais vraiment été surpris par ces tics et réactions incontrôlées. Bien au contraire, il n'a croisé que des gens qui chérissaient la différence et les originalités. Autant dire qu'une main rebelle, c'est la panacée. On a été jusqu'à lui demander si c'était possible qu'il laisse sa main peindre seule, histoire de voir ce qui en ressort. Il n'y a que les gens normaux qui regardaient cette main rétive avec effarement, crainte et résumait aussitôt Danny à cette particularité, provoquant sans le savoir une intensification des gestes désordonnés.

iv. something strange in the woods.
Une bouche. Une bouche est apparue dans la paume de sa main. Une vraie bouche avec des lèvres, des dents, une langue et une vraie voix enfantine flûtée. Danny ignore d'où elle vient, qui elle est mais il a déjà eu de supers conversations avec elle et elle chante étonnamment bien. Depuis combien de temps était-elle là, planquée dans sa chair? Il n'a jamais eu le temps de vraiment la cuisiner, elle esquive vite l'interrogatoire ou le lance dans des débats auxquels il peut pas résister. Elle le connaît bien, la bougresse. Très bien même, elle arrive à faire remonter des souvenirs qu'il avait oublié ou faussé avec le temps. Elle est plutôt cool la plupart du temps, Danny a parfois l'impression d'être un prof pour cette bouche qui peut se montrer impulsive. Elle est aussi tout le temps affamée...comme un tox qui serait capable de bouffer le contenu de son frigo après avoir fumé trop de joints.
Danny s'imagine que cette bouche est l'entité qui a toujours possédé son bras et sa main droite et qu'elle se manifeste enfin à lui.
En réalité, Danny est capable de modeler sa chair et ses os. Un pouvoir qui serait presque complémentaire avec cette aisance qu'il a de gérer ses trips psychédéliques. Cette bouche et ce qu'elle dit n'est qu'une extension de sa propre personnalité, une façon exotique pour son pouvoir de se manifester. Danny ignore complètement ce qu'il pourrait être capable de faire et à vrai dire, se poser la question ne lui vient même pas à l'esprit. Elle est très fun cette bouche qui apparaît et disparaît dans sa chair, qui parle et mange et avec qui il essaie de nouer une relation à la cool.

☽ page blanche
1/ Déjà avant sa naissance, les parents de Danny étaient des végétariens convaincus. C'est tout naturellement qu'il a adopté ce régime alimentaire, la conviction personnelle est venue bien plus tard. Les mauvaises langues diront que "ça" plus la drogue, c'est pas étonnant que Danny soit si maigrichon. 2/ Danny est un touche-à-tout mais un achève-rien. Depuis qu'il n'est plus dans une communauté, il peine à trouver la motivation à finir un projet...il a ainsi en suspens une toile (qu'il imagine en triptyque mais n'en est qu'à l'ébauche d'un premier panneau), un livre (son témoignage sur sa vie jusqu'à maintenant, ce qu'il en a tiré, appris et pourquoi il en chie à s'intégrer) et même un album de bruits et de sons bizarres que n'auraient pas renié les plus excentriques des surréalistes. 3/ L'allure de Danny n'a rien de conventionnel. Habitué à vivre en slip, à poil ou en sari, il n'a aucune envie de se conformer aux autres...des jupes, des robes, des sarouels côtoient des jeans et des tee-shirts à messages ou à l'effigie d'un obscur groupe progressif. Il possède plusieurs malles remplies à ras bord d'étoffes satinées, brillantes, à plumes ou à fausse fourrure. 4/ 10 mois qu'il est à Silver Cove et Danny n'a toujours pas vidé le vieux van Volkswagen que ses parents lui ont refilé. L'intérieur oscille entre bibliothèque, dépotoir, réserve d'un disquaire, friperie. 5/ Branché sur du 220, Danny est quelqu'un qui dort peu et fait des nuits très courtes. Quatre heures de sommeil lui suffisent largement. Par contre, il dort d'un sommeil de plomb massif, calé entre plusieurs oreillers. C'est nouveau, pour lui, dormir seul. 6/ Il y a deux mois, Danny a récupéré un lapin de laboratoire grâce à un vieux contact activiste. Un lapin blanc, évidemment. Qu'il a appelé Jefferson Airplane, forcément. Qu'il a vite raccourci en juste Jeff parce qu'au final, c'est quand même vachement long comme nom pour un petit animal. 7/ Danny possède une belle collection de vinyles qui ne sont absolument pas rangés ou triés. Il pioche au pif dans ses piles, orientant ses trips en fonction de ce qu'il écoute. Entre les discours de gourou indien, les mélodies indiennes, le rock psychédélique et des compilations d'amateurs perchés se prenant pour des explorateurs de conscience, il est servi. 8/ Danny ne vit qu'au rez-de-chaussée de sa maison. L'étage est entièrement dédié à l'herbe. Salle de culture, de croisement, de séchage, tout est hyper ordonné et organisé. La cave est quand à elle réservée à la culture de champignons. Il en possède plusieurs souches qu'il hybride en se prenant pour un grand scientifiques (port de blouse et de charlotte obligatoire!) 9/ S'il y a une chose qui dérange chez Danny (outre son allure excentrique) c'est ce franc-parler et cette sincérité que rien ni personne ne semble capable de lui arracher. Danny, il vient pas d'un monde où on cache ses émotions ou ses pensées. Quand il est triste, il chiale. Quand il est content, il le partage. Quand il est en rogne, il explose. 10/ La bouche dans sa paume droite, il lui a trouvé un prénom. Nellie. Comme ça, il est pas le seul à se faire chambrer avec son patronyme qui sort de "La Petite Maison dans la Prairie".