comme je te plains ☀ mal

comme je te plains ☽ ça chante dans son estomac des plaintes stellaires qui réclament de quoi se rassasier. ça tremble contre son intestin grêle, ça s'impatiente parce que ça prend trop longtemps à arriver - commander une pizza c'est pas si compliqué, une reine encore moins, même si sa couronne elle l'a perdue entre deux parts depuis longtemps. inspiration profonde, le joint au bec qu'il tire avec nonchalance, la télévision qui recrache le film de la soirée dont il se souvient tout juste du nom. c'est du pareil au même, avec la fille candide qui trouve l'amour chez le footballeur rocailleux qui sait à peine aligner deux mots. il laisse un rire lui échapper, bobby, alors qu'il se penche pour tapoter contre le cendrier à moitié fissuré - après cinq ans, il aurait tout à gagner de le changer. il tourne sa tête vers la porte, mais toujours rien. rien ça plaît pas, rien ça nourrit pas un type qu'est déjà prêt à se jeter sur le premier os qui lui tomberait dessus. il tapote du pied, baille à s'en décrocher les tendons qui maintiennent sa mâchoire, frémit un peu. comate à moitié. pire du pire il aura rien graillé, pire du pire il piquera dans les réserves de l'ace of spades quand il partira d'ici deux heures. puis ça lui vient à l'oreille en révélation, le tintement pas vraiment délicat de la sonnette qui beugle. il se redresse l'animal en détresse, vient ouvrir avec le pétard encore calé entre ses lèvres. il est prêt à dégainer son plus beau sourire, aussi rapidement que son ombre qui fait la capricieuse, qu'est prête à en démordre.

puis ça s'éteint. ça s'éteint comme une ampoule qui claque après avoir eu en pleine poire une balle chaude de revolver. y'a devant lui le marmot plus si marmot qui bouffe aussi bien qu'un bestiau dans sa prairie. il prend un moment, bobby, avant de percuter que c'est sa pizza qu'il s'enfile sans retenue. il fronce les sourcils, cale son épaule contre l'encadrement de la porte.

- ça va j'te dérange pas ?
- j'espère qu'elle est bonne au moins tête de noeud.

il racle le fond de sa gorge, l'amertume acide qui vient s'échouer dans ses cordes vocales alors que ça continue de creuser le vide contre son ventre. ça sent bon - alors ça ravive les grognements. dans sa poche y'avait pourtant les billets prêts à passer d'une main à une autre, il se donne pas la peine de les sortir.

- bon bah.
- du coup j'te paie pas, mal.
- j't'aurais bien proposé d'rentrer mais j'ai rien à bouffer.

Son rire est aspiré par tes baisers, la jolie blonde du supermarché, siège étalé à l’horizontal, elle a les ongles qui frôlent ta nuque, les vêtements qui se froissent, un murmure qui se perd entre les couinement de tes lèvres contre les siennes. « Tu dois pas … aller au .. boulot ? ». « Shhhht, on est bien là, non ? Hum ? ». Ses gloussements tirent sur ton rictus, ses soupires se perdent au creu de tes oreilles, ta main s’égare et l’absence de chauffage dans la voiture se fait oublier par la température de vos corps. « ON A DIT PAS DE SEXE DANS FIRE FIGHTER PUTAIN MAL ! ». La voix de Freckles a explosé contre les vitres, autant que son poing rageur. Carambolage, ta silhouette se fracasse hors de la vieille bagnole, un bras hors du t-shirt, le sac qui traîne derrière toi et la bouille toute rouge du camarade en colère. « OH CA VA HEIN ! Bon, j’vais bosser, on s’appelle, hein, Brittany ? ». « Moi c’est Tiffany. ». Pas le temps de répondre, le devoir t’appelle et Freckles sait bien gérer les coeurs désabusés.

L’odeur crasseuse d’huile chaude plâne dans l’air quand les roues de tes patins parcourent le sol de la pizzeria. Le vieux patron se gratte le ventre, tablier taché de cinquante nuance de gras, menton à rallonge et froncement de sourcils significatif. Pas le temps de respirer, les vapeurs odorantes de nourriture transpercent le carton mou, chatouillent tes narines, crient ton nom dans un râle de plaisir dont elles ont le secret. Oh, un part, ça se remarquera pas, c’est ce que tu te dis, pas vrai ?

Juste une part, que t’avais dit. Ca se remarquera pas que t’avais dit. Et voilà que t’as Bobby qui t’admire, le regard brouillé par le jugement et la beuh, avec ce même air condescendant qu’il te ressert à chaque fois qu’il te recale à l’Ace of Spades. Joues gonflées par ta gourmandise, tu peines à articuler des mots. « … Chest pas chque tchu croies. ». Déglutissement bruyant qui fait vibrer ta gorge, tu affiches une mine outrée devant le décret du brun. « Attends, quoi ? HEP HEP HEP, j’ai fait le déplacement, moi, Môsieur, je mérite salaire ! Tu me dois bien ça ! ». En vrai, il te doit rien, Mal, mais t’aimes bien jouer les victimes. « En plus, il en reste, tiens, regarde. ». Il a pas le temps de cligner des yeux que tu t’es déjà installé dans son salon, carton de pizza à découvert, tu le regardes avec tes yeux de merlan frit. « T’as pas des bières, par hasard ? ». Te gênes surtout pas.