you could put some joy upon my face, oh, sunshine in an empty place (jackie)

i. please introduce yourself.
A bord de la caisse elle se dresse sur le fauteuil, un bras enlaçant le cuir l’autre pointant sur la route, un grand sourire vissé sur le visage et les gars foncent. - Jacqueline est une leader née ça ne se voit pas comme ça quand elle traîne pieds nus dans la voiture de ses acolytes, quelques fois roulant une mèche de cheveux entre ses doigts pendant de longues secondes mais c’est elle qui mène la danse. Jackie ça n’a jamais été une première de la classe, elle n’a pas fini le lycée, elle préférait passer du temps avec ses têtes de noeuds, du moins elle n’aura jamais dit le contraire. Ce n’est pas une bavarde mais pas une mutilée non plus, personne ne lui a coupé la langue lors d’un cruel rituel de naissance et elle n’est pas née muette. Jackie est souvent à l’arrière de la célèbre bagnole aux flammes sur les portières, les chaussures dépassant par la fenêtre coulissante. Depuis qu’elle est petite elle est étiquetée métisse, pas spécialement malmenée mais regardée de travers à cause de l’absence d’un père et de la folie d’une mère, les domiciles monoparentaux courent la ville mais Young passe plus de temps avec son cousin qu’on dit « fêlé » que celle qui l’a portée plus de neuf mois dans le ventre. Impossible de dire si elle a une jolie voix donc, elle ne l’utilise pas assez mais les stéréotypes s’enchaînent sur sa dégaine et forcément la rumeur court qu’elle pourrait enflammer les scènes si elle s’en donnait les moyens. Pour beaucoup Jackie est une freak, une marginale dont la beauté soulève quelques questions; vu c’qu’elle a dans la caboche c’est quand même pas normal. Jackie est au fond dans la dégringolade du début de la vie d'adulte et elle manque de tendresse, rugueuse sur les bords, on distingue très bien le chaos dessiné sur sa peau provisoirement selon les humeurs, les jours, c'est facile de dire qu'elle a une araignée au plafond, c'est difficile de s'avouer que personne n'a vraiment pris le temps de la connaître en dehors de son nid d'oiseaux bizarres; personne ne passe les coups de bec, avec Jackie.

ii. mean streets of silver grove.
Le spectacle du supermarché parfois les mioches se pressent pour y assister. Si vous avez de la chance, alors Jackie vous dira bonjour, si vous avez encore plus de chance, elle vous donnera le total à payer et si vous avez décroché le jackpot, alors Jackie tournera la tête dans votre direction pour vous souhaiter une bonne fin de journée. La politique de la maison on ne rigole pas avec ça, Jackie tient à son job car ce n’est pas comme si Maman allait soudainement sortir de sa transe du moment pour rajouter deux dollars dans le bocal à factures. Jacqueline si on ne la connait pas est la fille de couleur qui travaille au magasin général avec des tatouages partout sur les bras, des tatouages qui n’ont pas l’air très vrai. Même si on ne lui a jamais adressé la parole ou inversement on sat déjà d’elle que son paternel ne traine pas dans l’coin, qu’elle a toujours été là d’aussi loin qu’les vieilles commères se souviennent, qu’apparemment elle serait gentille mais folle alors on tente d’attraper un autre caissier mais voilà, le client est roi elle vous lâchera un très poli: au suivant en vous dévisageant de haut en bas avec habilité; Jackie est l’enfant du village mais l’enfant qui inquiète avec qui on aimerait mieux ne pas voir la discussion s’allonger et ça tombe bien, cette gamine est loin d’être une pipelette!

iii. we're all mad here.
Au début elle se disait que tout le monde était affreusement bavard, parfois elle s’installait dans le salon et elle regardait sa mère danser entre le poste de télé et les étagères en les parcourant pour trouver un livre, une chanson en tête toujours, constamment. Jackie était pareil, du moins à l’intérieur, car oui c’est une gamine qui intériorise beaucoup, les pensées s’accumulent au lieu de s’éxecuter normalement, elle est très observatrice et surtout elle ne parle que rarement. Jackie trouve ça tout à fait normal, elle a tendance à penser que les gens de Silver Grove s’agitent pour rien, elle aime bien les regarder faire et s’embarrasser à se tordre la langue, parce qu’elle n’est pas douée pour communiquer avec les mots et depuis elle préfère se taire. Depuis ça remonte à l’enfance, et ça lui va très bien.

iv. something strange in the woods.
Jackie ne sait pas mener une conversation mais Jackie a un don pour tenir un crayon, ça personne ne peut le nier, tout le monde peut trouver ça bizarre mais personne ne peut éviter les longs tracés inégaux sur sa peau qui changent du tout au tout selon l’état de la demoiselle. Ça a commencé au lycée, elle prenait un feutre, elle écrivait quelques bêtises sur les bras de ses copains, elle ne leur disait jamais ce que voulaient dire les symboles mais les symboles étaient là pour une raison et souvent ils se demandaient ce qui pouvait bien lui passer par la tête mais le résultat était drôle ou esthétique et souvent étrangement satisfaisant. Elle pouvait presque soulager les esprits torturés en ornant les peaux nerveuses de ses gribouillis sans queue ni tête. Au début c’était gentil, ça s’effaçait, de petites bénédictions, maintenant dès qu’elle choisit une marionnette, dès qu’elle se décide à tracer c’est pour une bonne raison, avec de funestes intentions parce que les tatouages de l’apprentie prédisent un grand désastre, sont une malédiction. Et c’est tout ce qu’elle sait faire depuis que la communauté la rejette pour toutes les mauvaises raisons.