Les champignons, la prochaine fois, ce sera à la persillade (pin-pon les pompiers)

Un cri perce le décor de poussière d’étoile et de fonds de trous noirs, l’enfant est né! Jackie ouvre grand les yeux comme des soucoupes volantes mais elle n’entend pas de pleurs, ça la contrarie fortement. Elle est lovée contre le flanc d’une gentille créature quand elle entend un cri, terrible; d’agonie suivant tous les autres. Peinant à dégager ses boucles coincées sur le front, Jackie vient se frotter les paupières avec détermination, comme si on allait la féliciter de s’être enfoncé les globes oculaires à l’intérieur du crâne. Le silence de ses neufs premiers mois sombre derrière un SPLASH.

Elle pensait être retournée dans le ventre de sa mère, au chaud dans une sphère impénétrable, dont les couleurs chatoyantes lui laissaient croire que respirer était aussi automatique pour elle que pour un petit poisson clown en train de tourner dans le placenta. En sueur, elle a l’impression d’en être éjectée! Non, non, non! La petite du tatoueur du village se tient la poitrine, bras croisés pour se protéger et roule contre l’animal doux et avenant l’ayant recueillie - Il a de longs cils, de longs, longs cils! - Luke?

A présent appuyée sur les bras, Jackie se hisse et en glissant les yeux se découvre nue comme un vers se voir, se découvrir plutôt la gêne, elle rougit en puissance. Le frisson la fait dégouliner jusque la chute de ses reins, elle s’était affalée sur le vendeur de cravates de tout son long... Mon dieu, mon dieu, ahhhh! LUCKY! Ses mains viennent récurer son visage comme si elle était couverte d’excroissances, elle tente d’échapper à la vision de Miller et elle en tenue d’Adam et Eve. Un petit tour d’horizon et elle voit remuer une carpe... géante sur le le bord du lac.

Son illusion farfelue de la Jackie nouvelle née la traîne dans une vague d’indifférence et elle s’assied en tailleur près de Lucky, le regarder ne strictement rien faire puisqu’il est visiblement tout à fait inconscient.

Est-ce-quelqu'un a vu mes vêtements? Lucky, mes vêtements tu les as vus? Non? Moi non plus. Est-ce-que tu sais que t'es tout nu? Bah t'es tout nu.

Les gosses apprennent dès l’enfance que les anges ont des ailes, des auréoles lumineuses au dessus de leurs têtes, toujours habillés de blanc, à l’inverse des démons et de leurs queues pointues, leurs cornes de diable, la couleur du sang sur le corps. T’étais curieux de voir à quoi ça pouvait ressembler, le paradis, les anges, toutes ces conneries. Si ça se trouve, les anges, ça ressemble à des trolls petits et moches qu’on a embelli pour donner envie aux gens de bien se comporter dans la vie. Si ça se trouve, les démons sont juste les êtres humains avec un peu de peinture sur le corps pour symboliser tous leurs mauvais choix. Puis, c’était quoi un mauvais choix ? Y’en avait pas. C’était juste des directions différentes. T’façon, t’y croies même pas, à l’enfer et au paradis. Une fois que t’es mort, les vers se logent dans tes orbites et tu te réveilles quand Michael Jackson se mets à chanter pour draguer une meuf.

T’as l’impression qu’on t’appelle mais t’es sûre que c’est qu’une impression parce que t’as pas encore les oreilles qui sifflent. T’aimes pas quand les gens crient ton nom. Les meufs qui gueulent à t’en péter les tympans pendant la baise, ça te fait débander, ça te branche pas du tout, ça te déconcentre, ça te donnerait presque mal à la tête si tu te dépêchais pas d’en finir. Non, toi, tu préférais qu’on te parle doucement, les murmures au creux de l’oreille, une caresse sonore qui te donne la chair de poule, voix de velours, timbre érotique, tu sentais presque que ton caleçon devenait trop étroit pour tes fantasmes.

Puis c’est l’explosion, tes yeux se sont ouverts d’un coup, d’un seul, t’as braillé, la tête encore fourrée entre les cuisses imaginaires de on-ne-sait quelle silhouette. « Hmmmm, fermez-la un peu, vous- ». Aïe. Quelque chose te pique. Un oeil. Puis l’autre. Les plumes volent dans tes cheveux et t’as presque l’impression d’être dans une imitation toute péter du paradis sauf que l’ange est une poule et que les jolies filles sont juste dans ta tête. « Mais qu’est-ce-LES GARS, ELLE EST A QUI CETTE POULE ?! ». Ok, t’as vraiment déconné, on dirait.

Mais si seulement ce n’était que ça. L’herbe est encore humide, ça rafraîchit ta peau, ça mouille l’arrière de ton caleçon à coeur et en baissant les yeux, tu admires le soutien-gorge de Jackie attaché à ton buste. L’animal sous le bras, tes deux doigts pincent ce bout de tissu qui dépasse du bonnet et tirent dessus avec une lenteur perplexe. Sous-vêtement à pois, on peut lire le prénom du petit Miller sur l’étiquette. « Je suis pas sûre de comprendre la métaphore. ». Mais le cri de Joseph mets fin à tes réflexions, tu te redresses d’un coup, la petite Géraldine contre le torse -oui, tu trouves que ça lui va bien, comme prénom- la démarche à la renverse, le marqueur sur ton front à laisser le mot “Asshole” noir sur peau, alors que ta tête de dégénéré cherche désespérément son idole. « IL EST OU GEORGINOU ??? ». T’as à peine fait attention à Adam et Eve, la poule a pourtant essayé de t’avertir mais rien à faire.