I'm so tired of playing {olivia}

i. please introduce yourself.
spill the tea
Le visage lisse, pas une mèche de travers, pas un pli sur le col du chemisier, allure de porcelaine, battement de cils régulier, iris déconcertantes, le sifflement de la brise qui soulève sa jupe sonne comme un serpent à sonnette, l'hypnose se propage en un demi-sourire. Vous êtes sous son contrôle et personne ne peut rien y faire.

Les ragots rongent l'atmosphère, ses ongles tranchent la pellicule silencieuse pour diffuser un venin, hémoglobine de racontars dont le filet s'échappe de la commissure de ses lèvres. Olivia, elle se nourrit du malheur des autres depuis toujours. L'odeur nauséabonde de la détresse est devenue son oxygène. Les années sont passées, la pollution de la vérité étouffe tes poumons et mais l'air frais du mensonge n'est jamais très loin.

it's all lies, darling
Le savoir tue. Le donner aux humains leur donne du pouvoir. Le pouvoir est néfaste pour ceux et celles qui n'en mesurent pas les conséquences. Olivia, elle en est bien consciente. Le savoir, c'est le pouvoir. Et le pouvoir, elle veut s'en abreuver jusqu'à la fin de ses jours.

Elle s'en est toujours amusée, de cet engouement dont les poules de la basse cour qu'était Silver Grove faisant preuve. Toujours là à piailler sans arrêt, à remuer les hanches en battant des ailes de manière exagéré. Mais la hache d'Olivia était tranchante et elle n'hésitait pas à collectionner les têtes de volailles.

silence is an answer too
Le froissement des pages qui glissent, l'une contre l'autre. Le couinement du cuir qui recouvre les couvertures cornées. Le claquement frénétique des doigts contre le vieux clavier de l'ordinateur poussiéreux. Le tintement de la tasse de thé fumante contre la soucoupe en porcelaine. Olivia, elle a toujours aimé le silence tâché de détails sonores inaudibles.

La confiance en soi colore le visage d'un air hautain que le petit peuple a en horreur. Le sourcil légèrement relevé, le sourire pincé, mâchoire crispée, colonne droite, la tête légèrement inclinée, les paupières tombantes mais pas relâchées, le regard intense et la langue empoisonnée.


ii. mean streets of silver grove.
On part en Amérique ! Son père en était tout émoustillé, à gratter sa barbe tandis que la poussière des étoiles du drapeau tricolore éclaboussait ses yeux. Sa mère semblait moins guillerette, cloîtrée dans cette peur de l'inconnu qui tordait ses tripes. Olivia avait tenu sa main toute la durée du voyage en bateau et même lorsque sa génitrice abordait un sourire tendre, l'enfant ne pouvait que sombrer dans la pression des terres étrangères et du mal de mer.

Le prédateur sait s'adapter à son environnement pour mieux chasser sa proie. Olivia, elle n'a pas eut beaucoup d'effort à fournir. Sa cible était cette chère et tendre Barbara, blonde aux joues pleines qui retroussait sa jupe et rembourrait son soutien-gorge de mouchoirs en papier. C'était ce genre de fille qui se plaçait au centre d'un petit univers. Dommage pour elle, Olivia n'avait eut qu'à claquer des doigts pour renverser la gravité. Un battement de cils pour jouer les innocentes. Un sourire figé pour gagner leur confiance. Une moue inquiète pour éveiller le doute. Un rire malicieux pour écarter les troubles-fêtes. Olivia n'avait plus qu'à baisser la tête pour qu'on la couronne.

iii. we're all mad here.
Elle avait cinq ans, les cheveux coupés juste au-dessus des épaules, les yeux qui fendaient son visage, elle louchait devant son reflet, se tirait les joues et la langue qui flottait dans l'air jusqu'à atteindre le bout de son nez.

Elle avait douze ans, des tresses impeccables qui encadraient son visage, les vêtements soigneusement repassés, la boule de glace qui agonisait sous les coups de langue interminables d'Olivia.

Elle avait seize ans, les cheveux jusqu'au creux des reins, la jupe juste au dessus des genoux, la teinte rose qui couvrait les lèvres, les yeux à peine fermés, la langue dans la bouche du capitaine de l'équipe de foot.

Elle avait vingt-deux ans, les cheveux ramassés dans un chignon inhabituellement désordonné, les joues ravagées par la passion, le souffle court, la langue qui s'étend au même rythme que les gémissements féminins, le visage d'Olivia entre les cuisses tremblantes de l'amante inconnue.

iv. something strange in the woods.
Lumières clignotantes, ruelles inondées de cordes liquides, marées minuscules qui englobent les talons d'Olivia. Elle sent ses bas humides contre la semelle rigide, les contours qui tranchent ses chevilles, font saigner sa peau. L'orage gonde en ce mois hivernal.

Le parapluie se déforme à peine dans la bourrasque chaotique. Elle n'est plus très loin, Olivia, mais elle sent la présence dans son dos. Présence pesante, intention mauvaise, elle sent son coeur gronder dans sa cage thoracique mais son visage reste imperturbable.

Tout s'est passé tellement vite. Il a agrippé son bras, le sac de marque était son seul objectif. La vipère a hurlé, cris couverts par les plaintes de lu tonnerre de Janvier. Et d'un geste, un seul, elle a retiré son poignet, dans un déchirement inhabituel. Dans l'atmosphère marine de la scène, elle a bien vu le sang sur la main lacérée de son agresseur. Le regard incrédule, elle a observé les écailles se consolider autour de son avant-bras avant de fuir. Dans la sécurité de son vestibule, la douceur de sa peau est revenue en même temps que le calme après la tempête.