how to ruin a friendship for dummies (brandi)

12:56. L'estomac de Jeremy désespère alors qu'il regarde sa montre. Il patiente depuis bientôt une heure chez un villageois inconnu, dans un patelin proche de Silver Grove. L'homme, d'une cinquantaine d'années, doit lui fournir des informations sur un type du voisinage mort dans un accident de chasse la semaine précédente. Le pauvre monsieur est bien triste et prend tout son temps pour lui raconter l'amitié qu'il a perdue, lui montre des photos de lui et de son pote brandissant fièrement leurs carabines, clichés parmi lesquels le reporter fait une petite sélection. Il a simplement besoin de quelques anecdotes concernant la vie de Nick Turner, pas de sa biographie élaborée, mais il ne peut pas brusquer le riverain qui semble soulagé de pouvoir partager sa tristesse et se mouche régulièrement dans un tissu déjà tout humide et chiffonné. Profitant d'un blanc dans la conversation, le jeune homme glisse finalement un "merci" compatissant, et se lève de la chaise sur laquelle il est installé. Quelques minutes plus tard, lui, son bloc-notes et ses photos sont dans le pick-up bleu, prêts à s'en aller vers le bureau. Quoique. La perspective de se taper une demi-heure de route avant de pouvoir manger ne le convainc pas tellement. Mais en même temps, où peut-il bien trouver de quoi se remplir le ventre à Silver Grove ? Il y a bien le dinner, mais il y a toujours au moins dix personnes là-dedans qu'il connaît sans avoir tout à fait envie de leur taper la discute, qui plus est en pleine semaine de travail. D'un autre côté, plus les secondes passent et plus la faim se fait sentir. Alors tant pis, il y va quand même.

Quinze minutes plus tard, la tignasse rousse qui surplombe un long manteau noir fait irruption dans le parking du Heavenly's dinner. Il pousse la porte, trouve l'endroit un peu plus vide que ce qu'il avait en tête. C'est vrai que d’habitude, il vient le samedi midi, avec ses parents et sa sœur. Et encore, ce petit rituel date d'avant la Californie, et il ne pense pas y être retourné plus d'une fois ou deux depuis. La salle principale n'a pas changé. Toujours le look du dinner classique, avec une touche de plus en plus vintage, puisque si le temps passe, les couleurs, ici, restent les mêmes. Il salue la serveuse sans la voir et se place devant la fenêtre, près de l'entrée : façon de montrer qu'il ne compte pas traîner. Il étale sur la table les photos que monsieur Falcon lui a filées. L'une d'elles a absorbé quelques larmes. Soudain, il se demande : a-t-il, lui, un ami qui pleurerait pour lui s'il mourrait ? Qui sangloterait, sans pudeur, devant un journaliste random ? Jerem a toujours eu beaucoup d'amis, mais à y réfléchir, il ne saurait pas dire lesquels sont les plus proches. Il ne se confie jamais vraiment, il ne le peut pas ; son meilleur confident a toujours été lui-même, et c'est peut-être pour cela que les amitiés avec lui n'ont jamais atteint leur paroxysme. Plongé dans ses pensées, c'est la serveuse qui vient prendre la commande qui l'en sort. Merde, il a pas regardé la carte.