Better call Cosmo

☽ vanités

i. please introduce yourself.
Né dans une famille d'avocats et de socialites ☽ N'a jamais manqué de rien, sauf peut-être d'affection et de sens de l'éthique ☽ bully du lycée qui ne se faisait jamais prendre, trop bon élève et d'apparence trop concentré sur ses admissions à l'université ☽ avec un gros chèque de Papa pour aider ☽ bonimenteur de première, s'est exercé des années à l'école avant d'être prêt pour son métier d'avocat en droit des affaires ☽ après un passage par Stanford et Harvard ☽ membre de l'équipe universitaire d'aviron ☽ membre de tous les clubs selects pratiquant le piston et l'entre-soi ☽ a joué des coudes pour se faire une place dans les cabinets d'avocats ultra compétitifs et toxiques de New-York ☽ ses problèmes de santé il y a cinq ans l'ont forcé à se remettre en question : était-il vraiment prêt à tout ça pour l'approbation de ses parents ? ☽ préfère sa belle-famille à sa famille : il est en froid avec ses parents et a joué sur le fait qu'il restait malgré tout leur préféré pour les faire venir à son mariage ☽ il a su opportunément rappeler qu'il épousait une campagnarde, mais qu'il n'était ni homosexuel refoulé, ni marié à un libéral démocrate ☽ il a rencontré Ilse peu de temps après sa sortie d'hôpital ☽ elle était l'impulsion qu'il lui fallait pour un changement de vie ☽ est arrivé il y a cinq ans en ville, il travaille à Portland et conseille des entreprises dont il espère qu'elles deviendront très rentables et se souviendront de lui ☽ il a commencé à tenir une permanence juridictionnelle informelle le jeudi soir, dans la pâtisserie de son épouse ☽ il se fait évidemment payer sa collation, mais ne prend qu'une somme d'argent très modique ☽ les vieilles habitudes ont la vie dure, malgré ses résolutions d'être un homme meilleur, il se demande encore s'il n'est pas au milieu d'une Amérique profonde, dans un sens qui n'est pas flatteur ☽ rêve désormais d'avoir des enfants avec son épouse ☽ il les imagine bien parents et a conscience que chaque jour à retarder ce projet pourrait être un jour en moins avec leur progéniture ☽ n'ignore pas non plus que ces liens du sang empêcheront sa famille d'essayer d'évincer Ilse de son testament ☽ il aimerait qu'elle puisse être sereine et encore heureuse après lui

ii. mean streets of silver grove.
Cosmo a laissé New-York sous le prétexte de profiter de l'air pur et des entreprises de nouvelles technologies florissant à Portland. Il est tombé sous le charme de cette femme qui le redécouvrait pour la première fois à chaque rencontre. Marié depuis deux ans avec Ilse, il commence à se sentir à sa place au milieu de ces gens qui n'ont jamais vu la Grosse Pomme et ne sont parfois jamais sortis. Bien sûr, il a encore des moments de scepticisme et se demande où sont passés sa secrétaire, ses cafés serrés, ses soirées à l'opéra (et les flirts avec les petites danseuses étoiles), Central Park, le métro et les taxis, les grands restaurants, les boutiques luxueuses pour WASP aux poches pleines. Mais il n'échangerait pas sa vie avec son épouse, les relations qu'ils ont commencé à créer, les affaires dont il s'occupe pour se sentir utile auprès de ses concitoyens. Ces permanences juridiques du jeudi après-midi ont permis à certains habitants de le voir autrement que comme le dandy venu de la ville ou l'idiot choisissant une future veuve. Il ne fait pas encore l'unanimité mais c'est de bonne guerre, il n'est pas encore tout à fait acclimaté à cette ville.

iii. we're all mad here.
L'avocat estime qu'il n'y a rien de curieux chez lui, si ce n'est la rapidité à laquelle le cancer s'est déclaré. Des fumeurs plus acharnés que lui n'en ont écopé que des dizaines d'années plus tard. Pourquoi cela lui est-il tombé dessus il y a presque cinq ans ? Il fumait comme un pompier, mais au point de développer un cancer du poumon ? Les symptômes lui faisaient penser à une fébrilité quelconque, il a cessé le café sans arrêter la nicotine. Jusqu'au jour où il s'est réveillé à l'hôpital et a dû détailler la liste des choses qui auraient pu lui ouvrir les yeux. Les toux. La fatigue qui ne disparaissait jamais. L'affolement cardiaque. La perte d'un appétit jamais très élevé - il serait un rien difficile, aussi.
Le sang dans la toux.
Cosmo s'éloigne donc des fumeurs, ne boit plus de café sauf exceptions et mâchouille régulièrement des réglisses. Fumer lui manque épisodiquement, ou plutôt l'impossibilité de fumer.

Il garde une tache de nicotine entre le majeur et l'index droits.


iv. something strange in the woods.
Cosmo a conservé soigneusement ses documents médicaux, certain qu'ils seraient utiles. C'est après une période de disputes avec Ilse, de tristesse de manière générale qu'il a repris la cigarette en cachette. En cachette de quoi ? Si elle n'avait pas remarqué quelle chemise il portait, il avait le temps de griller trois cigarettes devant elle avant qu'elle n'ose demander à cet inconnu d'arrêter de fumer, il allait importuner son époux. Cosmo a passé des radiographies plus récentes et découvert que rien n'avait changé. Les taches sur ses poumons n'étaient ni plus étendues ni moins présentes. Son corps avait gardé un équilibre total.
Précautionneux sur la cigarette, il a pris les devants et commencé à s'infliger divers sévices pour voir ce qui arriverait. Se piquer le doigt avec une aiguille à coudre et chronométrer le temps avant que la blessure s'estompe totalement. S'entailler la paume de la main, et chronométrer là encore. Donner un coup de tibia dans un meuble, regarder la circonférence du bleu. La mesurer jour après jour. Il n'ose pas en parler à son épouse, qui le trouve simplement distrait en ce moment. Il a prétendu être ennuyé par ce collègue qui fume. Ca réglait aussi la question de l'odeur de cigarette. Sa curiosité reste entière, il ne sait pas s'il ira plus loin pour tester ses limites. Il fallait qu'il fume, il faut maintenant qu'il sache.

☽ page blanche

—☽ Enfance : symptômes : allergie à la poussière.
Plus les années passent et moins ses parents sont causants. Non pas qu'ils aient déjà été plus bavards que Dolores, la nounou espagnole. Et Ingrid, la fille au pair. Son premier béguin. Sans mettre de mots dessus, Cosmo comprend qu'elles sont, d'une certaine manière, leurs inférieures. Il est vrai qu'elles sont moins bien habillées, que ce sont elles qui baissent les yeux devant ses parents. Il comprend qu'elles sont payer pour s'occuper de lui, de son frère et sa soeur. Il ne sait pas de qui il est le plus proche dans cette famille. Ingrid lui explique qu'elle est heureuse de s'occuper de lui.
Son père est avocat commercial, Cosmo sait très bien que ce qui a l'air d'être une proposition ou une attention gentille cache souvent de mauvaises intentions. Il rejette Ingrid et commence à se forger une carapace.
Son père le fait emmener à divers cours de sport, il faut penser tôt aux équipes sportives des grandes universités, on rencontre toujours de bons contacts. Sa mère lui fait suivre des cours de solfège, ça lui formera toujours l'esprit et une bonne culture générale est indispensable pour survivre dans ce monde.
Cosmo est trimballé d'activité en activité, un étudiant en dernier année de fac vient l'aider avec ses devoirs. Il s'endort dans la voiture, sous l'air soucieux et prématurément vieilli d'Ingrid. Dolores meurt d'une longue maladie. Il se sent plus triste que lorsque son frère a eu un accident - dont il est ressorti indemne.

—☽ High school : symptômes : prise inconsidérée de risques
Cosmo se donne du mal pour conserver son statut social. Le fric n'en jette pour personne, tous ont un pedigree à faire pâlir d'envie l'américain moyen. Il peine à croire ses enseignants lorsqu'ils mentionnent les rednecks. Son univers se compose de jolies filles anorexiques inscrites au conservatoire, de futurs chefs d'entreprise et de quelques excentriques qui créeront les start-ups de demain. On s'enjaille dans les résidences secondaires ou les demeures somptueuses que leurs parents abandonnent pour un week-end aux Hamptons, Cape Cod ou en Europe. Pas de question de boire une vulgaire bière, on profite du bar familial. Les taxis les ramènent. S'ils ont envie d'être ramenés.
Il ne noue que des contacts éphémères. On finira par faire un mariage qui arrange tout le monde, construit sur une vague attirance, une validation du portefeuille des deux côtés et des compromis (adultère, oui, non, qui).

—☽ Law school : symptômes : accélération du rythme cardiaque
De jolies filles en fleur, des bibliothèques somptueuses, un décor de rêve. Plusieurs arrêts de juridictions aux noms lointains. Cosmo ne se souvient guère de ses années d'université. Il a adoré l'équipe d'aviron. Et le reste ? Quel est ce brouillard ? Claquemuré dans une fraternité et l'entre soi, il a observé de loin tous ces hippies qui réclamaient des droits que sa famille lui avait interdit de défendre. Une expérience formidable dans un cabinet d'avocats à l'autre bout du pays où il est logé par de la famille, une vieille tante veuve drapée de châles et d'une dignité d'actrice de cinéma muet. Cosmo fait du pro bono pour améliorer son curriculum vitae. Il y prend plaisir. Cosmo est bon avec les chiffres et avec les incohérences, ouvrant sa gueule et usant de ses privilèges pour mettre le doigt là où ça fait mal. Les grilles des prisons se rouvrent, il fait des recherches pour sortir de là des gens qui n'ont, à son avis, pas grand chose à y faire.
Revenu en famille, il aborde le sujet avec d'infinies précautions. Il abandonne le morceau, sentant couver les saillies et les moqueries. Il enterre cette idée dans cet endroit de sa conscience qui ne voit jamais le jour.

—☽ First job: symptômes : paranoïa
Ce n'est pas la première fois qu'il joue à ce jeu. Quelques uns de ses collègues sont parachutés là parce qu'ils étaient vraiment des têtes, mais Cosmo n'en a que cure. Il fait partie des arrivistes dont les parents ont un chéquier qui en garde sous la pédale. Il évite le courroux des avocats associés, maintient les nerds assez proches pour partager un bon niveau d'information sans prendre le risque de leur être associé, ne se fie aucunement aux parvenus de son espèce. Une bonne partie de la charge mentale de ce job, c'est de ne pas se faire bouffer par les autres. Il connaît les codes, se répète-t-il comme un mantra.
Pour calmer ses insomnies et tenir ce rythme physique, Cosmo emploie plusieurs stratégies. Caféine. Cigarette. Piscine. Il regrette son équipe d'aviron universitaire. Il n'aurait pas le temps pour ces trucs. Mais tout de même, il y avait une certaine camaraderie. Il aimerait la fraîcheur de l'eau et l'hypnose du rythme maintenu à plusieurs.
Cosmo fume de plus en plus. Il se réveille un jour avec l'urgence d'un procès qui doit se tenir. Pourquoi la secrétaire ne l'a-t-elle pas bipé ? Où est son café ? Où sont ses notes ? Comment attend-on qu'il se mette dans la peau du personnage s'il ne peut pas répéter ? Plaider est un jeu de dupes, une pièce de théâtres dans laquelle il excelle. L'angoisse s'empare de lui, rampe dans son bras. Il va avoir une crise cardiaque. Très calmement, la partie de lui qui est cet avocat teigneux mais business, poli, propre sur lui, qui en joue, très calmement donc, il se voit composer le numéro des urgences avant de ne plus parvenir à articuler. S'il y en a un dans le lot qui a suivi des études, ils complèteront l'adresse.

—☽ Âge adulte : symptômes : fortes quintes de toux
C'est la première fois que Cosmo enterre vraiment quelqu'un. Pas avec une pelle, Dieu merci. La première fois qu'il ressent de la tristesse. Sur un coup de tête, il traverse le pays pour la mise en bière d'un de ses premiers clients. Il se souvient du dossier monté. Scierie. Accidents du travail.
Elle éclipse tout lorsqu'il la voit. Il reconnaît la gamine dont il a vu la photo dans le portefeuille de l'ouvrier. Elle n'a plus rien de l'enfance. Il commence un boniment par politesse et se prend au jeu. Il faut qu'il la revoie.
Il lui donne l'adresse à laquelle le joindre, n'osant pas mettre en avant l'hôtel de peur qu'elle y voit une mauvaise intention, insistant sur le café qui fait d'excellentes pâtisseries.
La voir la deuxième fois mle remplit de la même excitation bouillonnante. Il y reconnaît plus que du désir, de la même manière dont il a toujours senti quelque chose dans les dossiers qu'il traite. Il ne lâchait pas l'affaire et obtenait toujours un résultat.
S'épuiser en voyageant n'est pas conseillé dans son état. Il se rend à Portland le lendemain et décroche une place au culot dans le cabinet le plus prestigieux, son pedigree a parlé pour lui. Il ne pensait qu'à elle durant l'entretien.

—☽ Age de raison : symptômes : bonheur.