(debra) underdog

☽ vanités

i. please introduce yourself.
Debbie est dans un coin, discrète sans l'être, t-shirts aux couleurs et slogans agressifs, vestes en cuir ; on lui imagine une cigarette aux lèvres, des CD de hard rock et de métal lancés à en faire trembler les murs -une facette qui semble englober tout son être, quand au final Debbie est aussi le silence, des sourires chaleureux, une douceur sans filtre, parfois un peu brute sous ses gestes honnêtes. Ancienne timide, Debra a passé son adolescence à cacher ses doutes sous sa frange et à se chercher dans des tenues punk et rock'n'roll, sous les soupirs patients de sa mère, célibataire ayant bravé les qu'en dira-t-on de Silver Grove en chassant son incapable de père avant même sa naissance. Debbie grandit, devient adulte, garde ses lambeaux d'adolescence sur le dos jusque dans les responsabilités de ce monde nouveau : chez McBride, pas assez d'argent ni de passion pour l'université, Debbie aide au salon de sa mère, gribouille, traîne avec les mêmes connaissances jusque loin dans la vingtaine. Un an elle quitte Silver Grove, au prétexte d'un travail ailleurs ; maltraitée par les cases de l'extérieur, Debbie casse, s'enferme dans ces boîtes préconçues, closes à double-tour par des nouvelles amitiés toxiques. Lasse, pâle, Debbie retrouve, tâtonne sa place, laissée telle qu'elle, bancale. Au nom de la stabilité et des quelques dollars manquant dans le portefeuille de sa mère, elle s'invite au concessionnaire de la ville, épaulettes et pantalon inconfortable pour accueillir et servir les clients tandis que les sourires éclatants de son beau-frère prennent le relai. Ce train-train lui va, pour l'instant -elle a même trouvé le moyen de porter ses t-shirts Aerosmith sous ses blazers, sans que Jamie ne lui dise quoi que ce soit.

ii. mean streets of silver grove.
Debra respire Silver Grove depuis son premier souffle ; avant elle d'autres générations de McBride ont modestement contribué à l'activité de la ville, famille discrète, aux vagues relents de marginaux. Jusqu'au lycée, Debra a passé la majeure partie de ses fins d'après-midi dans le salon de coiffure de sa mère, adolescente docile en dépit d'un style atypique, indirectement hérité de Nancy McBride et de ses idoles rock'n'roll. Cheveux teints en noir, en bleu, jeans troués, un air maussade quand elle regarde ailleurs, Debra affiche depuis vingt ans les codes d'une rébellion de surface : il suffit d'un sourire quand on s'attendait à la voir aboyer avec son regard noir, d'un geste amical, parfois un peu gauche. Ni irréprochable ni rebelle, au final Debra semble ne s'inscrire dans aucune des cases de cette Silver Grove qu'elle n'a pas l'air de vouloir quitter, ni maintenant ni plus tard.

iii. we're all mad here.
Patience extrême, dévotion sans condition, constance acharnée ; Debra a toujours eu conscience de ce trait de caractère particulier. Elle n'a jamais trop su comment le verbaliser correctement, jusqu'à cette illumination un soir d'octobre -plus une étincelle, un voile qui se lève plutôt qu'une prise de conscience foudroyante : McBride, qu'est-ce que tu fous encore là ? C'est sous le regard effaré de Sharon que Deb comprend enfin, avec une douceur percutante, qu'attendre toute la soirée sous sa fenêtre après une promesse jetée à la va-vite n'est pas quelque chose d'anodin. Ce qui achève de lui ouvrir les yeux, c'est la facilité avec laquelle ce qu'elle croyait être une résolution de fer se casse, quelques mots, un ordre : rentre chez toi, et les jambes de Deb comme animées d'une volonté propre, de la ramener, poupée mécanique, sur le chemin des McBride. Au-delà de loyale et docile ; Deb peine à résister aux inflexions impérieuses, suit l'autre comme une ombre, en dépit de toute logique et de clairvoyance.

iv. something strange in the woods.
Au quotidien, c'est un flair aiguisé à lui donner des maux de crâne, particulièrement au détour des camions-poubelles et des aisselles nonchalamment ouvertes à ses narines. Deb se serait contentée de cette soudaine hypersensibilité olfactive s'il n'y avait pas eu cet incident ; un jour de colère tempétueuse, allant crescendo jusqu'à la vague, jusqu'au frémissement sous sa peau -Debbie avec des crocs, des griffes, le corps muté en une moitié canine. Debbie a cru se voir, dans le miroir, mais sa mémoire sélective a fait le tri, et prit le parti de brouiller ses convictions -aujourd'hui elle n'est plus si sûre de l'avoir vécu, en dépit de cette sensation angoissante qui pointe, lorsque les émotions prennent le pas sur le reste.

☽ page blanche
A l'air de, mais ne fume pas + a l'air de, mais ne se drogue pas non plus + on peut la trouver au Night Owl, à gribouiller sur une table, seule, ou retrouver une vieille connaissance + elle aurait également le béguin pour Josie + pas besoin de se demander pourquoi elle n'est pas mariée, alors... ? + on raconte pourtant qu'elle a été fiancée, hors des yeux de Silver Grove + sa chanson préférée n'en serait pas une : ce serait un morceau, Dance of the Knights de Prokofiev + connaît son père, et s'entend même remarquablement bien avec ce dernier -a compris assez vite qu'il était d'excellente compagnie lorsqu'il n'était ni père, ni mari + semble connaître tout le monde, à son parler facile, à l'aise dans les rues de Silver Grove comme dans ses petites boutiques -pourtant encore timorée dans la moelle + au milieu des petits boulots, aurait officié au téléphone rose -également fait la mule, et frôlé l'overdose, peu de monde sait vraiment

☽ cabinet de curiosités
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