alistair robinson - l'anglais surdoué

i. please introduce yourself.
Vous l’auriez vu il y a 5 ans. Je me rappelle encore. Il sortait de ses cours avec ses amis et partaient presque aussitôt au bar d’en face pour s’amuser, rencontrer des filles et profiter tout simplement de sa jeunesse. Et pourtant quand il fallait travailler il était quasi-impossible de le sortir de ses livres. C’est d’ailleurs comme ça que je l’ai croisé la première fois. Un livre à la main, ses lunettes rondes vissées sur le nez il marchait sans me voir si bien que nous sommes entrés en collision. Et il s’est juste excusé, un sourire aux lèvres. A cette époque il avait toujours le sourire… c’était tellement agréable.
Aujourd’hui, je l’ai recroisé. Il n’est plus que l’ombre que de lui-même. Le monde l’a détruit, lui a tout pris si bien qu’il n’en veut plus. Il reste solitaire, profitant simplement de la présence de ses bouquins pour s’évader. Il s’enferme à Silver Grove car elle lui rappelle le village de son enfance mais ne s’y sent quand même pas chez lui.
Heureusement il ne boit plus depuis qu’il est arrivé dans cette ville. Ses mésaventures l’ayant entrainé sur la dangereuse pente de l’alcoolisme il avait failli totalement sombrer. Heureusement, qu’il l’a rencontrée. Une petite gamine sans un sou en poche avec un caractère si fort qu’elle l’a contraint à se reprendre en main. Elle lui ressemblait tellement…

ii. mean streets of silver grove.
Les haut-parleurs de la voiture remplissaient l’habitacle d’une musique rock entrainante. Il tapait du doigt sur le volant, les lunettes de soleil vissées sur son nez. Ça faisait des jours – si ce n’était pas des semaines  – qu’il était dans cette voiture, se nourrissant de fast-food. Où allait-il ? Il ne savait pas vraiment. Il voulait s’échapper de la ville, la fuir, l’oublier. Une nouvelle vie. Il voulait tout recommencer, ou plutôt retrouver une partie de celle qu’on lui avait volé. Il aurait pu retourner en Angleterre mais ça l’ aurait mise en danger. Alors il avait décidé de prendre la route, de rouler jusqu’à trouver un endroit où il pourrait se sentir apaisé et en sécurité – enfin la sécurité que ce monde pouvait lui accorder.
C’était en s’arrêtant à la station essence de Silver Grove pour faire le plein d’essence et de nourriture qu’il avait décidé que sa voiture avait sûrement parcouru de kilomètres. Alors il est resté. D’abord dans une chambre d’hôtel miteuse en novembre puis rapidement un studio au dessus de la librairie qui l’avait embauchée. Une bourgade tranquille et calme qui semblait sans histoire… comme il le souhaitait.

iii. we're all mad here.
Le premier. Il a toujours été le plus intelligent, le plus fort et le plus « cool ». Alistair a toujours été le premier. Il aurait pu devenir n’importe quoi. A la fin de son lycée il avait toutes les portes qui s’étaient ouvertes à lui et il s’était mis en tête de vouloir apprendre. Parce que c’était ce qu’il aimait plus que tout au monde. Il aimait apprendre, quelque soit le domaine. Sa mère l’avait qualifié de « surdoué » mais lui pensait juste que c’était sa passion. En réalité, Alistair avait vraiment une grande facilité pour apprendre. Il comprenait rapidement ce qu’il lisait et l’appliquait presque aussitôt si bien qu’il sortait de tous ses examens victorieux.

iv. something strange in the woods.
La lumière était encore allumée. Le café à côté était devenu froid, oublié par son propriétaire. Ce dernier avait sa tête posée sur un livre ouvert, merveilleux oreiller. Ses lunettes rondes étaient toujours accrochées à son visage mais ne touchaient plus son nez. Le calme de la nuit n’était perturbé que par sa respiration légèrement rauque… jusqu’à ce que la pluie s’abatte brutalement sur la ville. Un torrent soudain qui le réveilla en sursaut. Râlant contre la météo il se leva pour fermer la fenêtre et parti se coucher.
Le lendemain, il emporta son livre de la veille pour le finir au travail. Mais quel ne fut pas sa surprise quand il eut cette impression de déjà-vu. C’était comme si il l’avait déjà fini. Il avait deviné la fin avec une telle évidence qu’il avait donc trouvé le livre inintéressant, trop prévisible. Il s’était alors intéressé à un livre de Platon qu’il avait déjà lu par le passé mais qui restait d’une complexité sans vergogne même pour lui. Encore à ce jour il restait des passages qu’il ne pouvait s’expliquer et pourtant… ce jour quand il ouvra le livre il senti que les mots n’avaient plus rien de complexe. Il comprenait le philosophe, il comprenait tout avec une telle aisance que ça regonfla son égo.
Aujourd’hui encore, 6 mois après cette pluie, Alistair n’a toujours pas compris qu’il détient une aptitude lui permettant de comprendre et connaître le contenu d’un livre au simple contact. Néanmoins, même si au début cette capacité inconsciente l’amusait et l’aidait à se sentir plus intelligent, il commence aujourd’hui à s’ennuyer. Car alors quel est l’intérêt de lire si on connait déjà l’histoire ? Que faire alors si les livres ne lui sont plus d’aucune aide ?