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 state of sadness (patricky)

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☾ La Fortune ☽
Lucky Miller
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Alias : Tiff (fried tofu).
Portrait : Benjamin Wadsworth (powell) // sign par SIAL.
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Disponibilité : Ralentissement (jusqu'à fin août).

Métier : Vendeur chez Zoot Suit ; costumes, cravates, boutons de chemisettes -il vous vend de tout et, en cadeau, vous offre ses maladresses.
En quelques mots : Gentil garçon aux ambitions inconnues, discret, voire secret, connu pour sa bande de copains et ses frasques malchanceuses plus que pour lui-même.
Curiosité : (porte-poisse)
Aptitude : (trèfle à quatre feuilles)


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MessageSujet: state of sadness (patricky)   state of sadness (patricky) EmptySam 29 Juin - 17:37




Printemps 1989 – Junior Year

La sonnerie stridente éclate la bulle de Miller dans un « ploc » baveux, répandant autour de lui sa mélasse noire. Depuis quelques temps, ses rêveries savonneuses se sont transformées en inquiétudes cauchemardesques, et lorsque son regard se pose sur le parking du lycée, sur lequel il a une vue imprenable dans le coin de la salle, les toiles moroses se tissent et tirent sur son front un trait soucieux. Suivant le mouvement général, il range mécaniquement son carnet de notes dans son sac, ses sens encore perdus dans cet univers alternatif, échelle familiale, au vilain arrière-goût de réalité tragique ; la voix grave de la professeure ralentit l'effervescence de la fin des cours, haussée juste assez pour grappiller quelques secondes de l'attention des élèves. Par réflexe Lucky a relevé la tête, et pose les yeux sur Madame Lane sans immédiatement la voir.

C'est là qu'une syllabe accroche un tympan ; puis comme on déroule un mètre-ruban, tire à elle l'ouïe de Lucky tout entière. N'oubliez pas le devoir en partant. Bousculé par un concret implacable qu'aucune escapade rêveuse ne fera disparaître, Lucky reprend un instant contact avec le sol, pour s'apercevoir, avec stupeur, qu'il n'a aucun souvenir d'un devoir à faire. « Y'a un devoir à rendre ? » demande-t-il à sa voisine, occupée à coiffer sa frange dans un miroir de poche Hello Kitty -version noire et violette, assorti à ses ongles de gothique. « Y'avait. Pour aujourd'hui. » « Hein ? » « Le commentaire sur La nuit des rois. Tu l'as pas fait ? Elle l'avait donné y'a deux semaines. » L'information est délivrée sans écho condescendant, occupée à mirer son reflet -ou plutôt celui de ses cheveux raides. Un regard au bureau de Lane lui confirme les faits ; les élèves,  excités par le parfum de la liberté toute proche, déposent, voire jettent, leurs copies avec un « au revoir » empressé.

Miller se renfrogne. Ces notes dégringolent depuis quelques semaines, la qualité de ses rendus, corrects d'ordinaire, a pris un coup notoire. On a commencé à lui faire des remarques ; Lucky craint que cet oubli attire cette fois plus qu'un commentaire. Madame Lane est qui plus est réputée pour ses capacités d'observation presque magiques (elle le tire parfois de ses rêveries juste avant qu'il n'y plonge), son investissement auprès de ses élèves, et sa répartie légendaire. Même la verve de Mal n'a su abattre la professeure, pilier d'une sagesse qui de leurs yeux de lycéens semble millénaire. Lucky, avec ses balbutiements et la culpabilité croissante de faire les choses de travers, tient peu de chance de passer à travers les mailles du filet.

Il prend son temps pour terminer de ranger ses affaires, et quand les derniers élèves franchissent le seuil de la classe, il s'avance, les mains dans les poches, jusqu'au bureau de Mrs. Lane. « M'dame », commence-t-il en regardant le bout de ses baskets. « Je euh, je suis désolé, j'ai oublié le devoir à la maison ce matin. » Dans un accès de courage, le ventre noué par ce mensonge éhonté, il relève les yeux vers elle. Mal lui a dit un jour : « Quand tu mens, crois à ce que tu racontes. C'est comme si t'écrivais ta réalité à toi, t'sais, tu regardes droit dans les yeux, tu dis ton truc, tu souris, mec ça passe tranquille. » Devant les yeux dorés de Lane, c'est plus facile à dire qu'à faire. Lucky songe aux ennuis qui pourraient en découler, une heure de retenue peut-être, ce qui l'angoisse surtout est le coup de fil à la maison, la note à faire signer dans son carnet, la remarque faite, soucieuse, dans la confidence à son père. Tout ce qui passe par George Miller finit indubitablement par passer à Donna Miller. Affliger sa mère d'un poids supplémentaire est ce que redoute fondamentalement Graham, depuis qu'on lui a diagnostiqué son cancer. Chaque souffle, chaque geste est un pas de plus sur la bascule fragile menant à l'épuisement. Les boîtes oranges sur le comptoir, le visage émacié de sa mère ; sa culpabilité de môme honnête vaut bien peu, à côté. « Est-ce que je pourrais vous le rendre lundi ? Ou même je peux vous le déposer chez vous en passant, ce week-end. » Entre son petit boulot et l'hôpital, il est tout sauf certain de pouvoir réussir un tel exploit ; pour l'heure, il s'agit seulement de sortir de cette salle de classe indemne, avec la promesse qu'on gardera le secret.
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☾ L'Harmonie ☽
Patricia Lane
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MessageSujet: Re: state of sadness (patricky)   state of sadness (patricky) EmptyMar 2 Juil - 0:07

Cole lui avait préparé une argumentation qu’elle avait appréciée : la rhétorique était subtile, le discours dynamique, les arguments pertinents... Un pamphlet minutieusement travaillé, il fallait bien l'admettre. Elle n’était pas surprise. Après tout, Cole avait appris des meilleurs. Néanmoins, toute la volonté dont son fils pouvait bien faire preuve ne la persuaderait pas que ceci était une bonne idée. Cole essayait vainement de lui expliquer que la dénommée Rachel Mayers, petite brune aux yeux clairs, méritait qu’il lui passe la bague au doigt; qu’ils s’enchaînent ensemble pour tenir bon face aux épreuves de la vie. Cole avait alpagué la silhouette de la gamine des champs il y avait à peine quelques mois et malgré tout, il semblait convaincu qu’elle était de la trempe de celles qui pourraient potentiellement supporter ses effusions en tous genre. Son fils était fou amoureux. Fou tout court, en fait. La capacité de résilience de son fils l’impressionnerait toujours : il enchaînait les échecs en tout genre sans les ruminer mais, malheureusement, il n'en apprenait pas grand chose. Est-ce que c'était de famille ? Parfois, elle essayait de superposer les personnalités de ses deux aînés pour en dessiner les contours, mais le puzzle finissait toujours par imploser : les pièces ne correspondaient pas.

En fumant sa cigarette, Patricia faisait ce qu'une mère savait faire de mieux : s’inquiéter pour ses enfants et ce, sans réelle raison. La fumée occultait la raison et ainsi, ses neurones pouvaient s'agiter à volonté et leur friction finissait par engendrer un flot d'angoisse qu'elle n'avait jamais ressenti avant de comprendre qu'un jour, ses enfants ne se référeraient plus à elle comme un exemple. Elle se rappelait encore du jour où Judy lui avait dit que toute façon, tout est de ta faute, espèce de vieille folle ! La gifle avait été robotique, le regret immédiat. Patricia ne cautionnait pas la violence; cependant, Judy comme sa mère savaient pertinemment à quel désastre la rebelle en carton pâte faisait référence avec son "tout" volontairement vague. Insolence déguisée qui avait tant surpris Patricia que ce jour là, elle en avait perdu son latin. Un exploit que Judy Lane pourrait probablement renseigner sur son CV... à part si, comme Patricia, elle avait tellement honte de ce qu'il s'était passé ce jour-là qu'elle avait volontairement aseptisé le souvenir de la brûlure de la claque. La gifle : l'esquive de la culpabilité. Patricia s'était promis de plus jamais céder à ce réflexe primal, bien que parfois, cela s'était avéré compliqué.

La cinquantenaire fut sortie de ses pensées par la sonnerie stridente : la professeure en retard, un comble. Bien qu'il est commun pour les idoles de se faire désirer, le savoir n'attend pas. De plus, Patty savait pertinemment que la capacité de concentration de ses élèves était limitée à quelques minutes. Et encore, cette estimation était franchement généreuse. L'apparition de Graham Miller vint confirmer cette hypothèse. A peine entré qu'il semblait déjà ailleurs : voyait-il seulement la même salle de cours qu'eux ? Ou la sienne prenait-elle l'apparence d'une clairière ensoleillée où il s'avérait tentant de s'adonner à une sieste discrète ? Peut-être que oui, peut-être que non, Patricia n'est pas du genre à trépaner ses élèves. Et puis, on ne sait jamais, forcer ce garçon qui semble voyager entre plusieurs dimensions à mettre les deux pieds dans le réel pourrait lui être fatal. Graham Miller est peut-être une espèce rare, qu'il faut étudier en laboratoire avant de le propulser sans sommation dans les méandres des limbes humaines. Sans doute est-il une sorte d'oiseau migrateur qui s'est planté de rêve et qui se demande ce qu'il fout ici, parmi ces silhouettes ternes et déplumées.

L'heure de cours s'étiolait, ne semblait pas parvenir à intéresser les plus assidus : les gosses des nineties sont des âmes brutes, les détours obséquieux qu'affectionnent les poètes pour évoquer le désir charnel ne les bouleversent pas plus que ça. Pour être honnête, Patricia les comprend, à leur âge aussi, elle préférait les corps à corps plutôt que les enflammées lyriques. Soudain, marée humaine; les corps flasques s'agitent, les yeux se convulsionnent, les mains s'entremêlent : la liberté est proche pour les victimes de Madame Lane ! Patricia toussota et tempéra leur enthousiasme en leur réclamant ce qui lui était dû; la torture bien particulière qui lui était réservée, c'est à dire la correction des commentaires de textes. En guise d'offrande pour celle qui transmet l'art du discours, les copies s'empilèrent sur la table.

Alors qu'elle pensait en avoir fini avec cette classe réfractaire aux belles lettres, un visage lunaire se pencha vers elle. Le jeu d'acteur était soigné, bien que maladroit, elle devait accorder ce bon point à Miller. Il tentait, c'était le principal : après tout, dans la vie, on avait rien sans rien, non ? Mais bon, le masque de Miller était tout fissuré, Patricia décelait une angoisse dans les mots du jeune homme qui n'était probablement pas lié à l'oubli qu'il tentait de justifier. C'était sans doute honorable de sa part, mais ce dont Patricia était sûre, c'était que même si elle appréciait l'art moderne et ses nombreuses interprétations, elle serait bien incapable de deviner une quelconque analyse de La nuit des rois entre les lignes du torchon que Miller s’apprêtait certainement à lui rendre... si jamais il y pensait. 

Ecoute, Graham... Patricia toussota. Cela fait tout de même plusieurs fois que tu oublies tes devoirs à la maison. Sans prévenir, sa silhouette s'étira jusqu'à surplomber le jeune homme. Une longue jambe valsa hors de son bureau, puis, une deuxième : sa démarche qu'elle avait tant perfectionnée la guidait jusqu'à la fenêtre, qu'elle ouvrit pour mieux regarder le ciel. Tu veux une cigarette ? Ne t'en fais pas, le détecteur de fumée ne fonctionne pas ici. Le grincement du briquet tomba à pic pour ponctuer sa remarque. Bon. Je sais que vous ne nous croyez pas quand nous vous assurons qu'en cas de souci, que ce soit à l'école ou à la maison, vous pouvez vous confier à nous, mais... je me permets de te le rappeler, glissa t-elle en détaillant les traits adulescents de Graham. Tu sais... je t'interdit de faire mine d'acquiescer, mais je suis vieille et sage. Plus sage que vieille, je l'espère, mais les faits sont ce qu'ils sont, n'est-ce pas. Donc si quelque chose ou quelqu'un te tracasse... sache que je suis là.
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MessageSujet: Re: state of sadness (patricky)   state of sadness (patricky) EmptyJeu 4 Juil - 17:10



Ses oreilles prennent la teinte d'une tomate mûre. Lucky a l'impression de passer au radar de Madame Lane, dissimulé dans le regard, tranquille, qu'elle a posé sur lui, et elle prononce le magique « Graham » qui renvoie Lucky aux tons courroucés de sa mère, aux moqueries de Grant, aux plaintes carabinées de Mason qui alterne en dépit du surnom de porte-bonheur régulièrement avec son patronyme de naissance. Graham a le pouvoir de le renvoyer dans sa peau de petit garçon bêtise, de benjamin discret dont les contours sont encore indéfinis, grignotés par la personnalité des aînés et les rêveries lunaires auxquelles il se livre. Avec Graham, Madame Lane le met dans la meilleure disposition qui soit pour tendre la joue, prendre sa rouste et filer droit jusqu'à la prochaine remarque -c'est, du moins, ce que Graham espère en sentant bourdonner ses oreilles coupables. La voix de la professeure tournoie autour de sa tête comme un oiseau de proie. Mulot craignant la plongée fatale, il la suit du regard alors qu'elle s'éloigne du bureau, ouvre la fenêtre, puis son paquet de cigarettes.

Cindy Sanders, premier rang et tête de file, avait évoqué à plusieurs reprises l'odeur de tabac froid près du pupitre auto-attitré. Personne n'y avait réellement porté attention -Cindy parlait beaucoup pour ne rien dire, et tous semblait avoir développé une technique de décrochage express sitôt que l'émail silencieux de ses dents laissait place à la caisse de résonance de ses cordes vocales. Miller, paralysé par son mensonge, peine à reprendre pied à la réalité d'une Madame Lane lui proposant une cigarette contre le radiateur de leur salle de classe. « Euh... » Le son de sa propre voix le surprend ; il pense à Cindy qu'aucun d'entre eux n'a voulu croire, à qui se greffe la vision nonchalante de Lane. « Non merci. » La rougeur furieuse de ses oreilles redescend dans ses joues. Fumer en sa compagnie le rendrait plus nerveux qu'il ne l'est déjà ; il préfère rester à distance de son regard d'aigle, qui semble le transpercer des pieds à la tête en dépit des deux mètres qui les séparent.

Elle le décortique, dégageant du passage la fumée de sa cigarette, soulevant le masque fissuré de Miller de ses cils immenses, et avec une douceur maternelle, lui donne un discours de soutien qui le fait osciller d'une jambe à l'autre, mal à l'aise. Se confier était facile, avec son père, sa mère, puis à l'adolescence les Fire Fighters -facile jusqu'à ce que la dure réalité de l'existence ne se rappelle à lui et, voguant sur sa nature de discret, ne scelle ses lèvres à double-tour. Y être invité est d'autant plus dérangeant que Madame Lane tape en plein cœur du problème, et semble voir à travers le mensonge, les ronds-de-jambe, le maigre sourire qu'il tente, une brève seconde, de lui offrir, avant de baisser la tête, le regard chutant, renfermant avec lui les secrets, sur le carrelage vétuste de la salle. « Je sais pas si ça aiderait de vous en parler M'dame... Sans vouloir vous offenser », reprend-il gauchement en lui adressant un bref regard d'excuse, lorsqu'il se rend compte de l'impair qu'il commet. « C'est juste que... C'est pas quelque chose qui a un rapport avec l'école. » En dépit de la bonne volonté dont elle faisait preuve, il peinait à croire que ses soucis personnels pourraient intéresser la professeure -elle était trop étroitement liée dans l'esprit de Miller à sa matière, son poste, son rôle de cheffe de file face à une vingtaine d'adolescents survoltés, pour sortir du cadre professionnel et venir sécher ses larmes invisibles. « Je peux pas vous rendre le devoir ce week-end alors ? J'ferai attention, j'vous le promets. » Graham marmonne, dardant sur elle un regard où suinte implacablement la crainte du coup de fil -et celle de parler à cœur ouvert, quand il rougit bêtement en analysant la parade amoureuse de Roméo et Juliette.
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MessageSujet: Re: state of sadness (patricky)   state of sadness (patricky) EmptyMer 10 Juil - 21:09



Patricia s’est isolée sur le bord de la fenêtre, entourée d’une odeur de cimetière. Ce que les petits jeunes ne comprennent pas, c’est que quand elle avait leur âge - autant dire il y a des lustres ! - c’étaient les médecins qui faisaient la promotion du tabac à chiquer. Depuis, les docteurs ont fait volte-face, mais cela ne l’a pas empêchée de continuer. Comme d’habitude, Patricia est alanguie comme si elle était sous le feu des projecteurs; ce n’est pas vraiment Lucky qu’elle cherche à séduire, c’est plutôt une attitude naturelle, instinctive. On ne trouvera jamais Patty avachie ou mal froquée. De ses deux émeraudes, elle fixe Lucky Miller, c'était comme ça que sa clique de grands dadais l'interpellait dans les couloirs.

Miller est mauvais acteur, mais d’après ce qu’elle sait, il est copain comme cochon avec Malcom Grayson, alors des pieuvres, il semble s'être approprié le même talent pour le mimétisme du survivant. Néanmoins, la créature espère sincèrement qu’il ne se mettra jamais au poker, car sa figure tressaute comme l’écran kaléidoscope d’un téléviseur perdu entre deux fréquences. Lucky Miller n’est pas un bon menteur et la situation n’a même pas le mérite d’être amusante, car il semble que le jeune homme est réellement tracassé. Ou effrayé. Elle peut comprendre, aujourd’hui, elle ressemble à une tarentule avec ses longs membres souples dissimulés par un tailleur noir.

Et bien. Moi qui pensais que n’importe quel garçon de cette classe sauterait sur l’occasion, c’est amusant,
commente t-elle, filtre orange qui menace de chuter dans son décolleté raisonnable.

Il est fort à parier que sa remarque ne fera qu’entretenir le feu de forêt sur la petite gueule toute printanière de Miller, mais Patricia est taquine.  Là encore, c’est dans sa nature.   La silhouette adolescente se putréfie lentement : sa mue chute et révèle le petit garçon encore caché en dessous. C’est quelque chose qui la fascine chez les jeunes avec qui elle travaille au quotidien : cette ambivalence non-assumée entre enfance et maturité, ces allers-retours hésitant entre la liberté et les jupons de Maman. Patricia se rappelle sans fards de sa propre transition : pour être honnête, elle mentait bien mieux que le gosse en face d’elle. M’enfin. C’était une autre époque, n’est-ce pas ? Celle où elle avait l’impression qu’aucune de ses fourberies n’aurait de conséquences.

Patricia croise ses jambes, continue de regarder Graham à la dérobée. Sous ses cils, ses pensées dégoulinent. On ne sait pas vraiment si elle possède réellement cette allure maternelle que ses jolis sourires semblent lui conférer; c’est probablement son âge qui donne le change. Dans les yeux des hommes, toute femme qui a égaré sa superbe devient une mère. Néanmoins, Patty ne considère pas ses élèves comme des gosses - qu’on la préserve de cette erreur de jugement - mais comme des adultes en devenir. Avec des responsabilités.

Sinon, c’est trop facile, n’est-ce pas ?

Si tu crois que ne pas en parler te soulagera plus que de te confier, Graham, je ne te forcerai pas, finit-elle par répondre.

Sa voix doucereuse laisse du miel aux commissures de ses lèvres brunes. Patricia aime le rouge à lèvres, mais uniquement quand il n’est pas carmin. Elle trouve cela vulgaire. La nuance qu’elle arbore sur la bouche, c’est “cuivre”, c’est Judy qui le lui a offert, elle est certaine que c’est Nora Jane Jones qui l’a aiguillée car connaissant sa fille, le rouge à lèvres aurait été écarlate. Judy s’habille particulièrement bien, mais son maquillage est, aux yeux de sa mère, un peu trop excentrique. Mais bon. C’est ainsi. Elle préfère ça plutôt que sa fille soit totalement transparente. Les Lane sont là pour être remarqués. Pas pour faire de la figuration. C’est bien pour ça que même sous les prunelles timides de Miller, Patricia conserve sa posture conquérante. Elle joue un rôle, c’est ce qu’elle est, mais plus que tout, c’est tout ce qu’elle souhaite être. Elle veut qu’on la devine, pas qu’on la perce à jour. Qu’on voit le masque plutôt que la réalité.

La réalité, c’est que Patricia n’a rien de spécial. C’est le regard d’autrui qui fait tout l’travail. Peut-être qu’elle devrait leur être reconnaissante.

Tu es au courant que les profs ne sont pas des fantômes qui hantent ces lieux sans jamais en sortir ? Nous aussi, on a des amis, des familles, des soucis. Des soucis personnels qui se répercutent sur le reste. Ce serait trop simple, si la vie était comme une commode, non ? Si on pouvait ranger les problèmes comme on égare une chaussette au fond d’un tiroir ? Tu en penses quoi, Graham ?

Les gens comme Miller, il faut leur faire prendre un chemin de traverse pour avoir le fin mot de l’histoire. Qu’à cela ne tienne.

Certes. Mais ce n'est pas très juste pour les autres qui ont rendu leur devoir à temps...

Comme le dit si bien Patricia : certes. La justice, c'est tout de même galvaudé, comme concept.
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