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 Poison ▬ Bev

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MessageSujet: Poison ▬ Bev   Poison ▬ Bev EmptyDim 10 Mar - 13:48

Cette affaire puait la merde. Masbat le sentait, il devait reprendre l'ascendant sur ses collaborateurs, s'il espérait éviter qu'un scandale ne lui éclate à la figure. Inenvisageable. Le maire savait pertinemment ce que cela impliquerait. Les journalistes camés aux esclandres commenceraient à chercher, à creuser un peu trop profondément dans les abysses de M. le Maire, stimulés par le besoin presque animal d'entacher sa réputation, de fragiliser ce roc, froid et solide, mais certainement pas inébranlable.
Ils trouveraient, sans aucune doute.
Ils se repaîtraient à déféquer des obscénités sur Masbat par tous les orifices. Un journal mentionnerait les pots de vin. Un autre les politiques d'intimidation. Un troisième insisterait sur la perversion du chef de la commune. Les vices cachés de Masbat ressemblaient à un immense étang marécageux dans lequel le politicien pouvait presque se noyer. Une eau épaisse, poisseuse, écœurante, comme les sentiments malsains qu'éprouvaient parfois le maire à l'égard de ses congénères.
Comme Janus, Masbat revêtait deux visages aux antipodes l'un de l'autre. Le britannique impeccable, cérébral et équilibré, à la vie presque ascétique. L'américain indécent, charnel et détraqué, à l'existence dissolue. La balance de la justice, comme il se plaisait à la surnommer. Pas étonnant qu'il puisse se dédoubler. Au fond de lui, il y songeait : ce don pourrait devenir sa catharsis, dès lors qu'il parviendrait à le maîtriser.

Confortablement enfoncé dans son fauteuil de cuir pourpre, qu'il avait fait importer d'Italie, Masbat tirait mollement sur son cigarillo cubain. Cadeau du contribuable. C'était bien le minimum, au regard du stress que la charge de maire apportait. Les citoyens se comportaient parfois comme une bande de gourdiflots, pauvres d'esprit et maintenus en vie par intraveineuse, déversant dans leur sang les déchets de la société consumériste américaine. Inégale nature, pensait Masbat, tout le monde ne peut pas être frappé par la grâce et avoir de l'esprit. Il en tenait de sa mission, de venir en aide à ces imbéciles. Toujours dans le respect, évidemment – la définition du respect selon M. le maire étant particulièrement flexible et arrangeante.
Il jeta un coup d'oeil furtif sur la grande horloge qui surplombait son bureau. 8.13 p.m. Blake n'allait pas tarder à se pointer. Avec son regard perçant, son assurance et sa perspicacité. C'était pour ça que Masbat l'avait rappelée, après qu'elle eut achevé sa journée à la mairie. Enfin, officiellement, il lui avait demandé de lui rapporter un dossier sensible alors sur le feu. Officieusement, en revanche, il espérait secrètement qu'elle puisse l'aider à dénouer cette affaire qui flirtait dangereusement avec le scandale et la turpitude associée. Bien sûr, sa fierté lui interdisait de formuler les choses ainsi. Seulement, il se savait suffisamment intelligent pour arriver à amener le sujet de manière détournée, et à obtenir ce qu'il désirait, sans donner l'impression d'avoir bénéficié de l'appui d'une tierce personne.

Il souffla, scrutant l'extérieur un bref instant. La nuit dévorait la ville, bien que partiellement déchirée par les lumières qui tentaient de lutter contre les ténèbres. Réjouissant spectacle. Écrasant les restes de son cigarillo, Masbat se leva et se dirigea jusqu'au grand miroir qui dominait le mur ouest de la pièce. Il avait une sale gueule, ce soir-là. Trop de fatigue cumulée. Il replaça quelques mèches de cheveux. Non pas qu'il cherchait à être séduisant pour son assistante. Ou bien. Après tout, il aimait plaire et susciter l'admiration.
Retournant vers son bureau, il rangea quelques papiers et coupa sa ligne téléphonique. Il était prêt à accueillir Beverly.
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MessageSujet: Re: Poison ▬ Bev   Poison ▬ Bev EmptyMar 19 Mar - 0:20

lorsque le téléphone retentit, beverly pénètre à peine dans l'une des rares plages libres de sa semaine. de celles où elle peut vivre pleinement en taisant un peu ses inquiétudes, sortir avec ses amis, se souvenir qu'elle a dix-huit ans et non trente-cinq pages, bouquiner, s'isoler, jouer avec les petits, arracher quelques mots à son père... juste souffler un peu. elle, elle choisit une douche brûlante comme prélude avant la symphonie et a à peine le temps de clore les paupières sous l'extase de l'eau délassant son épiderme tendu que déjà, les voix s'élèvent.
"bev, bev, y a le téléphone !!"
benjamin s’époumone comme un beau diable sans jamais se rapprocher du combiné.
"j'suis sous la douche, répondez."
mais c'est peine perdue. blythe est déjà au lit et aux jurons étouffés qui transitent jusqu'à elle, les garçons sont occupés par une partie ardue de megadrive. à l'oreille, un jeu bien coriace, sans doute de plate-formes, et la terre pourrait cesser de tourner qu'ils ne lâcheraient pas leur manette. quelqu'un décroche enfin ce fichu combiné et beverly retient inconsciemment son souffle en entendant la voix désormais éternellement lasse de son père expédier la conversation au bout d'une poignée de secondes. elle l'entend prononcer son prénom, reconnaît à son intonation une crispation organique, et écourte sa douche, désormais ruinée de ses effets bénéfiques.
"c'était qui ?"
beverly glisse un minois aux cheveux détrempés dans l'embrasure, opales ambrées, attentives, rivées sur le visage paternel.
"masbat. une histoire de dossier, ça attendra bien demain."
l'hostilité dans son timbre est palpable et beverly ignore ce qui peut bien la causer. ils furent amis, un temps. plus ou moins. mais son père a trébuché, encore et encore, et elle ignore si le maire l'a abandonné lorsqu'il aurait eu besoin de lui ou s'il a décidé de cesser de se tuer en mondanités inutiles, lui qui a décidé de démissionner de tout, sa vie en premier lieu.
"je travaille pas demain." et ce n'est pourtant pas si difficile à retenir parce que, organisée devant l'éternel, elle s'emploie à accrocher son emploi du temps sur le frigo chaque. mois.
beverly roule des billes et s'autorise un soupir, tant contre le père qui décide de régir sa vie la seule fois où il aurait mieux fait de s'abstenir que contre le maire assisté qui n'a pas daigné l'écouter lorsqu'elle lui a indiqué, très clairement où elle avait déposé son précieux dossier.
"j'y vais, j'en ai pas pour longtemps. si je ne suis pas rentrée, assure-toi que les garçons soient au lit avant vingt-deux heures."
ses lèvres charnues glissent sur la tempe paternelle et beverly ne réalise même plus combien les rôles sont inversés, à quel point elle ressemble à une mère donnant les dernières recommandations à son aîné à l'aube de son premier baby-sitting, tant tout ça, c'est son quotidien.

-----

moins de trente minutes après son appel, beverly frappe contre la lourde porte la séparant du bureau de léonard, le fameux dossier contre sa poitrine. volontaire, désireuse de se rendre indispensable, de prouver la valeur qu'elle sait détenir, elle n'a même pas pris le temps de maquiller son minois juvénile pour l'aider à gagner quelques années ou même de sécher ses cheveux encore humides, épris de l'odeur gourmande de son shampooing. "vous souhaitiez me voir ?" beverly pénètre souplement dans le bureau, avec l'assurance familière de celle qui évolue souvent en ces lieux et dépose le dossier sur le bureau du maire, juste sous ses yeux. "dans mon bureau, deuxième tiroir côté droit, exactement là où je vous avais indiqué qu'il serait. " énonce-t-elle clairement de sa gouaille singulière, entre ironie et complicité. "mais j'imagine que vous le saviez déjà." beverly le dévisage sobrement de son aplomb tranquille, coulant ses prunelles sur les traits indéchiffrables du maire. sa question n'est que pure rhétorique. la môme possède pour elle une intuition féroce et ne commet jamais l'erreur de sous-estimer son entourage. non, elle est plus redoutable encore : elle les comprend, viscéralement. suffisamment pour rarement se tromper sur leur compte. et il ne lui viendrait pas à l'esprit de minimiser la mémoire ou l'intellect de son interlocuteur, qu'elle a appris à apprivoiser à force de conversations animées et de joutes saines, compétitions stimulantes.
aussi, sans attendre une quelconque invitation, beverly s'empare de l'espace et laisse sa silhouette couler jusqu'à un fauteuil confortable, face à lui. c'est la première fois qu'elle rejoint le bureau une fois la nuit tombée et l'obscurité confère au lieu une intimité singulière, un cérémonieux qui pourrait l'intimider, si jamais elle était plus sensible, moins appliquée à sa tâche et à la lecture difficile des traits tirés qui lui font face. "pourrais-je savoir ce qui motive ma présence ici ?" en plus de son appétit vorace pour tout ce qui nourrit l'esprit, cela va de soi.



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