le chant des sirènes.

But a mermaid has no tears, and therefore she suffers so much more. (Hans Christian Andersen)

THEODORA BARROW

identité ☽ theodora barrow, dite dora. âge ☽ vingt-trois années de vie. date et lieu de naissance ☽ silver grove, un douze avril. nationalité ☽ américaine. état civil ☽ célibataire. occupation ☽ pianiste, elle agite ses doigts pour les ivrognes et les fêtards de passage.

SIRENS OF THE CASPIAN

baguette

agrabah

vingt-trois ans

zhenya katava

crédits

BEHIND THE MIRROR

i. please introduce yourself.
Dora ou la folie des grandeurs. Cette poupée a depuis l'enfance des envies de notoriété. Musicienne et chanteuse, elle ne porte d'affection que pour les notes et les mots. Créature bourrue, aussi désagréable que prétentieux, elle a le don pour agacer. Qu'importe. Les relations sociales n'ont jamais été son fort et ce n'est plus maintenant qu'elle pleura son manque de relations humaines. Aveuglée par son propre égocentrisme, elle s'est toujours dit que si autrui la hait c'est parce qu'elle vaut mieux que lui et qui le sait. Ainsi devenue solitaire malgré elle, la belle s'est perdue dans son délire, pensant attiser toutes les jalousies et provoquer les passions.

ii. mean streets of silver grove.
Piégée dans ce même patelin qui l'a vu naître, Dora étouffe. La vie ici l'ennuie et l'exaspère. Princesse sans couronne, impératrice sans palais, la femme-pianiste a de grands rêves, de belles ambitions. Elle qui désire plus que tout devenir étoile se morfond dans cet anonymat qui n'en pas un. Silver Grove lui impose une fade notoriété. On l'a reconnait parce qu'on l'a vu mille fois, on l'a reconnait parce qu'elle est la fille, la soeur, l'amie et la voisine. L'habitude a fait de toute cette communauté un amas de mornes célébrités. Ici tout le monde connait, tout le monde, voilà ce que Dora hait. La passionnée veut briller loin d'ici, croiser des visages inconnus et monter sur une scène qui saura l'aduler. Alors pourquoi ne part-elle pas? Pourquoi reste-t-elle? Sans un rond, le manque de moyen a fait d'elle une sédentaire, mais un jour, elle le sait, elle quittera cette bourrade affreuse.

iii. we're all mad here.
Longtemps on s'est moqué d'elle. La fille aux palmes, le poisson, la morue, c'est ainsi qu'on la surnommer et que certains la surnomme encore. Parce que différentes, elle a subis dès le début de sa vie la violence des coups ingénus. Il n'y rien de plus cruel qu'un enfant qui perçoit la différence et Dora, avait tout de différent. Alors, on l'a exclue. Le groupe la refusant, Dora s'est enfermée dans ses songes portés par le goût amer de la vengeance : elle s'est toujours dit qu'un jour, elle leur montrera à ses ricaneurs et ses harceleurs, un jour le monde entier la fixera pour sa beauté, pour sa voix et tout monde oubliera l'histoire de la femme-palmée. En attendant ce jour, Dora a toujours honte. Alors, tandis que certaines femmes possèdent mille robes, Dora, elle, collectionne les gants, cachant sa monstruosité aux yeux médisants de ce monde.

iv. something strange in the woods.
Depuis les pluies, il y a cette chose étrangère qui se produit. Lorsqu'elle fredonne, lorsqu'elle murmure, elle voit les pupilles de son public se dilater. Le regard se fait vide, les membres deviennent inertes et leur passivité pesante. Dora ne comprend rien, Dora n'est sûre de rien. Pourtant, elle se rappelle de la première fois où elle a constaté cet état de transe. Comme à son habitude elle est venue jouer, comme à son habitude elle a susurré des hymnes à l'amour que les artistes ont su proclamer. Perdue dans son retrait, elle n'a pas tout de suite remarqué les émois qu'elle a provoqué. En effet, sous son timbre de voix, ceux qui l'ont écouté se sont mis à s'embrasser. Femmes, hommes, le public s'est mélangé, sans pudeur ni conscience, elle a aperçu des caresses être proférer, des mains s'enlacer dans une romance suspecte qui s'est arrêtée dès lorsque la sirène a cessé de chanter. Voilà ce qu'elle est devenue, cette fille aux écailles entre les doigts, désormais créature mystique à la voix enchanteresse, elle a emprunté aux légendes un bout d'apparence, un bout de pouvoir, pour rejouer le mythe des femmes-poissons. Sans marin, sans mer, là voilà qui envoute les oreilles des nouveaux d'Ulysse dans une hypnose maladroite.

PRIMADONA GIRL

D'abord, il y a le silence.
Puis, vient le bruit.

Sous un voile de tabac, la pianiste apparait. Elle a posé sur son instrument un verre de whisky qui viendra ponctuer ses morceaux et animer sa passion. Drapées dans un tissu noir, ses doigts parcourent les dédales noirs et blancs au rythme des croches et des bémols. La mélodie se veut mélancolique, portée par des tonalités de blues, tout s'accélère lorsque la voix enchanteresse de la musicienne vient se poser sur le tempo saccadé. Maintenant, on la regarde. Le brouhaha des conversations s'amoindrie pour laisser place à la sirène et à son chant. Les paroles sont connus des habitués, elle chante ses textes, invente ses partitions. L'artiste est comblée, voilà le moment qu'elle préfère, lorsqu'en début de soirée, il n'y qu'elle qui peut choisir les sons qui s'échapperont de ses lèvres carmins. Plus tard, l'heure sera aux suggestions, de moins en moins pertinentes, de plus en plus médiocre jusqu'à atteindre leur apogée aux alentours du matin, lorsque seront restés les couches tard et les alcooliques du soir qui sans aucune honte, viendront déranger son art, pour venir lui demander de les accompagner pour gueuler des chansons paillardes et autres atrocités.

mon canard fav.

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